Evêque d’Autun de 1940 à 1966
1896 : Année de sa naissance
Etudes à Sens et à Rome
Docteur en philosophie scolastique et en théologie
Professeur au Grand Séminaire
Directeur des œuvres d’hommes et de jeunes gens
1939 : En septembre, aumônier militaire
1940 : Consécration épiscopale le 3 octobre à la cathédrale de Sens.
1940 à 1966 : Evêque d’Autun
1947 : Rencontre avec Frère Roger à Taizé, à qui il permet, avec l’accord du nonce, Monseigneur Roncalli, de prier dans la chapelle romane du village. « Nous sommes devenus de plus en plus proches. C’est surtout pendant le Concile du Vatican que s’établit une confiance profonde », écrira Frère Roger. « Comme il n’avait pas de proches parents, nous étions devenus un peu
comme sa famille. Aussi longtemps qu’il l’a pu, il venait passer une journée entière avec nous ». Eglise d’Autun 11 Octobre 1985.
1985 : Décède le 5 mai à Lyon chez les Petites Sœurs des Pauvres où il s’était retiré.
Sa devise épiscopale : « Ut diligatis invicem » : Qu’ils s’aiment les uns les autres
Comment était-il ? Quel souvenir laisse t-il ?
Le relevé des principaux événements qui ont jalonné et marqué l’épiscopat de Monseigneur Lebrun permettrait de dégager les grandes convictions de notre ancien évêque, comme les points d’insistance de sa prédication et de son action.
A son époque, on n’utilisait pas couramment les expressions qui ont fait fortune par la suite : « priorités pastorales », « projet missionnaire », « points à privilégier »… Mais en lisant les longs éphémérides de la vie diocésaine, de 1940 à 1966, on voit bien les points d’insistance de l’impulsion épiscopale : le souci d’une visibilité de l’Eglise locale par les congrès eucharistiques du canton, l’appel aux grands rassemblements diocésains, l’inlassable énergie déployée en faveur des vocations sacerdotales et religieuses, le soutien vigoureux apporté aux Mouvements d’Action Catholique du moment, la recherche constante des moyens de vivre pour les séminaires et le clergé…
On pourrait allonger la liste des « priorités » de Monseigneur Lebrun … Et on pourrait y faire figurer encore, en bonne place, l’organisation des examens et diplômes d’instruction religieuse, comme le souci de former quelques ténors pour le témoignage public de la foi…
Mais, tandis que se déployaient cette activité et cette ardeur, on voyait aussi vivre un homme, un prêtre, un évêque. Comment apparaissait-il ? Quel souvenir me laisse-t-il ?
En posant les questions de cette manière, je m’engage dans le témoignage personnel. La relation objective en souffrira peut-être… Mais, à mesure que s’éloigne le temps de Monseigneur Lebrun, il me semble que nos mémoires restent marquées par les manières d’être de la personne même de l’évêque, plus encore que par son action…
Une mémoire visuelle très étonnante
Oui, la mémoire visuelle du Père Lebrun était peut-être le trait le plus étonnant de sa personnalité. Il était capable, par exemple, de reconnaître et d’appeler par son nom un garçon qu’il avait confirmé trois ou quatre ans plus tôt, à Cuiseaux ou à Bourbon-Lancy…
Il a beaucoup utilisé ce talent exceptionnel. Il reconnaissait, il interpellait, il demandait des nouvelles… Il n’oubliait jamais les visages et les noms qu’il avait connus, même une seule fois. C’était une chance et un atout puissant dans les multiples contacts qu’il recherchait. Monseigneur Lebrun était un évêque populaire.
Une rapidité parfois déconcertante
Dans l’étude des caractères, on décrit notamment les tempéraments « primaires » : leurs réactions sont immédiates, parfois fulgurantes, bien plus rapides que la réflexion. Monseigneur Lebrun était de ceux-là.
Très émotif, il se sentait soudain très bouleversé et devenait presque méconnaissable, à l’annonce d’une difficulté imprévue. Vite, il fallait réunir l’entourage, et retrouver, grâce au visage calme de tel ou tel conseiller , la sérénité perdue.
Était-ce aussi la peur de la difficulté inattendue, qui le rendait si rapide dans l’écoute de l’autre ? Il n’était pas facile d’exposer longuement un problème ; plus difficile encore d’obtenir une réponse.
On avait alors l’impression qu’il y avait toujours des choses à gérer ailleurs, plus importantes et urgentes…
Mais la rapidité des réactions avait aussi son côté très généreux. Un confrère était-il gravement malade ou hospitalisé ? Monseigneur Lebrun s’y précipitait, souvent sur le moment même… Une épreuve frappait un séminariste, un prêtre… l’évêque était aussitôt présent, au moins par une lettre ou un téléphone. La sincérité de son émotion et la rapidité de la démarche ont beaucoup touché. Elles lui ont valu des attachements très fidèles.
Une ponctualité sans faille
Sur la ponctualité, on ne pouvait pas prendre Monseigneur Lebrun en défaut. Jamais le moindre retard à une cérémonie ou à une réunion. Jamais une lettre laissée en souffrance.
L’immense bureau sur lequel il travaillait apparaissait toujours net. Le courrier du matin avait reçu une réponse immédiate. Tout était dépouillé, rangé… Un isolé qui aurait souhaité recevoir une lettre pouvait écrire au Père Lebrun : le surlendemain il recevait une réponse.
A toute réunion, toute cérémonie, l’évêque arrivait avec un bon quart d’heure d’avance et il s’étonnait que tout le monde ne fût pas encore là…
Avec un tel tempérament, Monseigneur Lebrun a probablement souffert de nos négligences, de nos oublis, de nos retards…
Une éloquence appréciée
Sait-on qu’un évêque doit beaucoup et souvent parler en public ? Homélies, exhortations, petits mots, conclusions à tirer en fin de réunion… Partout où l’évêque est présent, on souhaite, on attend qu’il parle.
Monseigneur Lebrun parlait beaucoup et souvent. Et il parlait bien. Excellent dans la prédication ordinaire, brillant dans le toast ou le mot de circonstance, il avait la parole facile, cordiale, convaincante. Une parole qui avait le don d’accrocher les foules, et aussi les groupes et les personnes.
On lui pardonnait alors plus volontiers la déception qu’on éprouvait lorsqu’on l’entendait entonner une hymne ou une antienne…
Une tenue épiscopale qui faisait corps avec sa personne
On ne pouvait pas imaginer que Monseigneur Lebrun fût un jour capable d’abandonner ou de réduire les attributs traditionnels de la fonction épiscopale : soutane à boutons violets, bas violets, chapeau orné de glands… même à l’intérieur de l’évêché et dans son bureau, il ne quittait jamais la calotte violette. Tous ces attributs semblaient faire corps avec lui-même.
Les changements qui s’annonçaient et s’amorçaient, à l’époque de Vatican II, l’ont beaucoup inquiété. Comment signifier qu’on est « un homme séparé », un consacré revêtu de dignité, si plus rien n’indique à l’extérieur que le prêtre est tout cela ?…
Monseigneur Lebrun a mal accepté et mal vécu les changements, même ceux qui touchaient au vêtement… Son inquiétude portait une part de vérité ; mais elle était trop forte pour lui faire admettre que le cœur, la vocation et le ministère d’un homme consacré ne sont pas conditionnés par la longueur de son vêtement.
Une crainte grandissante devant les incertitudes de l’avenir
A mesure que s’ébranlait le cadre de l’édifice ancien, Monseigneur LEBRUN prenait peur. Les dernières années de son épiscopat en ont été assombries… Certes, sa foi resta inébranlable, mais elle devenait presque douloureuse…
Cependant, tous les chrétiens du diocèse, des prêtres aux laïcs, l’aimaient bien. Ils le connaissaient. Ils l’avaient vu dans chaque église, dans chaque paroisse, dans chaque maison religieuse. Lui-même mettait un nom sur des milliers de visages connus… Or, tout à coup, il ne se sentait plus fait pour agir : il avait l’impression de ne plus voir dans quel sens il fallait diriger la barque.
A 70 ans seulement, il avait alors la lucidité et le courage d’offrir sa démission d’évêque d’Autun. Il voulait simplement offrir sa vie, prier. Il le fit longuement chez les Petites Sœurs des Pauvres de Lyon. Il s’y est consumé. Il restait si peu de chose de sa vie charnelle lorsqu’on le mit en bière ! Il était enfin entré dans la Paix…
Bernard Lambey, Vicaire Général.