Le Père Bernardin, secrétaire sational des Prêtres Ouvriers, attire notre attention sur le décès de Bob Lathuraz qui a, pendant plusieurs années, exercé son ministère en Saône-et-Loire. Profondément troublé par l’interdiction qui avait été faite en 1954 aux prêtres ouvriers de continuer leurs tâches, Bob Lathuraz ne s’était pas rallié à cette décision. L’article ci-dessous, en nous rappelant son douloureux itinéraire, nous invite à remettre à Dieu qui est Amour, la vie de ce frère. Dans la prière, nous demanderons les uns pour les autres la grâce de la fidélité et du service.

Comment pourrions-nous oublier le passage de Bob dans notre département ? Et son sourire, et son rire, et sa gentillesse, et sa fraternité, et sa foi ?

Bob a fait partie de la première équipe de prêtres ouvriers à Montceau-les-Mines, avec Francis Laval et Jean Brénart, dans les années 50. Il était déjà venu auparavant travailler un an à la Tuilerie de Montchanin, avec d’autres stagiaires de la Mission de France, aussitôt après la fin de la guerre. Bob travaillait comme ouvrier boucher aux Abattoirs de Montceau.

« Ce fut vraiment une page de l’histoire de l’Eglise de Montceau qui fut pleine d’espérance… Mais ce fut de courte durée, car le gros problème fut très vite posé en raison de l’engagement syndical des prêtres ouvriers » (Pierre Vaillier).

C’est à Montceau qu’ils durent faire face à l’ultimatum de Rome d’avoir à quitter le travail au 1er mars 1954. Comme la moitié des prêtres ouvriers de cette époque, ils refusèrent d’obtempérer, ne pouvant se résoudre à ce « choix impossible ».

« Choix entre deux fidélités fondamentales dans leur propre vie » (Jean Perrot).

Bob continua encore quelque temps à travailler sur place, avec la confiance de militants, l’amitié de tel ou tel prêtre, et l’affection peut être naïve, mais très sincère du Père Lebrun, notre évêque d’alors.

Je voudrais citer deux expressions de Bob, qui disent ce que fut leur découverte, avant d’être la nôtre :
« (les pauvres) c’est sur le lieu de travail qu’ils ont été rencontrés, lieu de leur exploitation, mais aussi de leur révolte. Découverte du même coup de l’outil forgé par ces hommes, ceux qui, refusant cette appellation humiliante de « pauvre », refusant assistance et charité, s’organisaient et se battaient contre le système qui les exploitait….. »
« Il faudrait aussi parler de la découverte progressive que nous faisions de ce que nous trouvions de positif dans « l’athéisme » militant de nos camarades ».
J’ai revu Bob pour la première fois à La Neylière en octobre 1984, dans une rencontre émouvante et inoubliable entre prêtres ouvriers d’avant 1954 et prêtres ouvriers d’après 1965. Puis à notre rencontre régionale à Francheville l’année suivante. Puis à l’Arbresle en février 1990, après la publication du document terrible de François Leprieur : « Quand Rome condamne ». Et puis enfin à notre rencontre nationale à La Pommeraye, en mai 1991, où pour la première fois, avec Maurice Combe et Jean-Marie Huret, Bob prit la parole devant nous tous.

« Nous sommes tout à fait conscients d’être les héritiers et les continuateurs d’une tradition que nos aînés ont inaugurée à leurs risques et périls, d’une trouée qu’ils ont faite et qui nous permet d’avancer. C’est à eux que nous devons en grande part d’être ce que nous sommes, et de faire ce que nous faisons. Nous avons envers eux une immense dette de reconnaissance. Nous savons qu’ils ont payé très cher leur audace et leur initiative, beaucoup trop cher ! ».

Quelques semaines seulement avant le départ de Bob, Jean-Marie Huret a pu faire paraître son livre « Prêtres ouvriers insoumis », fruit de la longue réflexion de toute cette équipe. C’est une part de notre tradition prêtres ouvriers, longtemps passée sous silence, qui nous est révélée. Ce sont les exclus qui prennent enfin la parole pour nous dire ce qu’ils ont vécu, souffert et médité pendant tout ce temps-là, et tout ce qu’ils ont découvert : « Nous sommes devenus autres sans renier l’inspiration originelle de notre démarche ».

Eglise d’Autun – Paul Bernardin