1921 : Né le 3 novembre à Rully
1946 : Ordonné prêtre le 6 avril
A exercé son ministère à Autun dans le cadre de la Maîtrise et de l’art sacré
1961 : Est promu chanoine honoraire
2008 : Décède le 10 juillet
J’ai été nommé vicaire à la cathédrale en 1947 ; c’était mon premier poste. Je m’intéressais déjà à l’art roman et à la ville d’Autun ; j’allais fréquemment au musée Rolin pour consulter les ouvrages de la Société Eduenne ; chaque fois, je passais devant la tête du Christ. Très vite, l’idée me vint que cette tête pouvait être celle du tympan de la cathédrale. Un jour de septembre 1948, n’y tenant plus (j’étais en soutane et j’avais une grande cape), je pris la tête, la cachai sous ma cape et entrepris de sortir. Mais voilà : je m’étais efforcé d’accomplir mon forfait alors que la gardienne du musée n’était pas dans les parages ; à cette époque, il n’y avait pratiquement pas de visiteurs ; mais la gardienne m’avait vu ; elle vint me trouver toute joyeuse en me disant : Monsieur l’abbé, vous n’allez pas quitter le musée sans boire le café ! Je ne pouvais pas refuser ! J’avais la tête cachée sous ma cape, je l’ai pesée après chez mon voisin, le boulanger Lafay sur sa vieille balance Roberval : la tête pesait 20 kg et 750 g. Je vous assure qu’il ne me fallut pas longtemps pour boire le café ! Au revoir Madame ; merci Madame ! Il y a quelques années, j’ai marié l’arrière-petite-fille de la gardienne ; je vous assure que le mariage ne fut pas triste !
Je mis la tête dans mon bureau qui se trouvait à la cure, place Sainte-Barbe. J’habitais au premier étage ; le curé était le chanoine Trinquet.
Je pouvais utiliser une échelle se trouvant en permanence à la sacristie ; elle appartenait à M. Daudin, voisin de la cathédrale.
Photographiant tous les chapiteaux de la cathédrale, je me faisais aider par quelques jeunes qui calaient l’échelle et qui tenaient un éclairage. Ces jeunes étaient François Marcelin, Émile Dancette, Michel Chatillon, Jacky Read et Roland Niaux ! Le jour de la découverte, ils n’étaient pas là ; je transportai « mon échelle chérie » sous le tympan et la hissai dans la direction de la tête absente du Christ ; j’étais tout heureux, je n’avais même pas attaché l’échelle à un gros anneau du portail.
Me voilà donc au pied du tympan, prêt à grimper, en soutane bien sûr (j’avais tout de même enlevé la cape !). Je tenais la tête sous le bras droit. Mon échelle n’étant pas assez grande, je suis monté jusqu’au dernier échelon ! J’étais alors plaqué contre le tympan ; Il m’a fallu lever les bras en l’air en tenant la tête ; je ne me tenais à rien ; je pus constater qu’il s’agissait de la bonne tête. C’est à ce moment que je vis que je pouvais dégringoler ! Dans un cas comme celui-là, on va très vite ! J’ai eu le temps de me demander : ne vaut-il pas mieux que je tombe à la renverse, que je me tue, mais que je protège la tête afin qu’elle ne se brise pas ! J’aurais peut-être été canonisé : la vanité ecclésiastique va très loin ! Ou, ne vaut-il pas mieux que je lâche lâchement la tête de Dieu et que je sauve la mienne. Finalement, Gislebertus, le sculpteur, me sauva la vie et je redescendis avec les deux têtes en bon état !
J’ai eu conscience qu’on aurait pu m’enfermer ! Mais comme j’avais une foi profonde, je me rendis également compte qu’il fallait que j’aille me confesser ! Dieu fait bien les choses : le conservateur du musée Rolin était prêtre, un prêtre éminent, l’abbé Berthollet ; il était professeur à l’Institution Saint-Lazare. Je me rendis chez lui, mais prudent, je ne lui rendis pas la tête ! Je ne me souviens plus s’il me donna l’absolution, mais, ce dont je me souviens, c’est qu’il était horriblement vexé ! Mettez-vous à sa place ! L’administration étant prévenue, un échafaudage fut érigé et la tête remise en place le 17 novembre 1948. Un procès-verbal a été dressé ; je le conserve précieusement ! On remarque que l’abbé Berthollet n’assistait pas à cette remise en place !
Remise en place de la tête du Christ de majesté du tympan de la cathédrale d’Autun, le mercredi 17 novembre 1948 en la fête de saint Grégoire le thaumaturge.
La tête du Christ de majesté du tympan de l’insigne église-cathédrale Saint-Lazare d’Autun avait été enlevée en 1766 par ordre du Chapitre Cathédral.
Disparue depuis lors, elle fut retrouvée par M. l’Abbé Grivot, vicaire à la cathédrale, au milieu de sculptures diverses conservées au Musée Rolin.
Avec l’autorisation de : M. l’Abbé Bethollet, conservateur de ce musée ; M. Fournier, architecte départemental des Monuments Historiques.
Avec le concours de :
– M. Desjours, entrepreneur ;
– M. Guenot et M. Pechoux, ses ouvriers
Et en présence de :
– M. le Chanoine Trinquet, curé archiprêtre de la cathédrale, vice-doyen du Chapitre
Mgr le Doyen étant décédé
– M. l’Abbé Gaascht, secrétaire particulier de Mgr l’ Evêque
– M. l’Abbé Grivot, vicaire
Suivent les signatures
En rendant au Christ sa tête, Denis ne s’est pas contenté de compléter le tympan. Il lui a permis de retrouver son sens. Car le Christ est la tête, la tête du Corps que nous formons. Sous le regard du Christ, l’archange peut tricher en appuyant sur la balance. Notre chanoine aimait ce geste, il s’est imaginé sur la balance, trop heureux de la voir pencher du bon côté. Voilà pourquoi, désormais, en regardant le tympan d’Autun, parmi les élus, nous allons découvrir un personnage supplémentaire. Il porte habit de chanoine. Et c’est justice.
Eglise d’Autun – Père Georges Auduc