Le petit séminaire de Rimont a « fonctionné » pendant 107 ans, de 1871 à 1978.
Il se situe en pleine campagne, au cœur d’un tout petit village situé sur une colline de la côte chalonnaise entre Germany et Buxy.
Il a été fondé, non par une décision diocésaine, mais par une famille, Monsieur et Madame Bordeaux et Madame Dubois, encouragés par la suite par de nombreux « bienfaiteurs ».
Au départ, il s’agissait d’une « œuvre » destinée à former de futurs prêtres, car à l’époque, beaucoup de prêtres étaient formés « sur le tas » par leur curé qui leur apprenait le latin, la liturgie et… la pastorale.
Cette œuvre s’est appelée d’abord : « école presbytérale », puis « école cléricale », et enfin « petit séminaire » à partir de 1916. Sur le fronton de la maison en haut de la porte principale, un sigle : JMJ : Jésus, Marie, Joseph et « SFR » : Sainte Famille Rimontaine.
Beaucoup de garçons sont venus à Rimont, envoyés par leur curé, étudier leur vocation et faire leur scolarité. On pouvait y entrer en 7e et sortir après la terminale, huit ans plus tard, à une époque où les collèges n’étaient pas si nombreux en Saône-et-Loire. Le maximum de garçons accueillis tourna autour de 200 élèves, dans les années 1960. La plupart des enseignants étaient des prêtres dont certains ont repris des études pour obtenir des licences, de lettres en particulier. A cette époque, l’enseignement dispensé à Rimont n’était pas nécessairement calqué sur ce qui se passait dans l’enseignement public. Peu à peu il s’y est ajusté pour permettre à ceux qui quittaient Rimont de ne pas être trop perdus plus tard dans la poursuite de leurs études.
A cette époque, on entrait le 1er octobre pour ne sortir que le jour de Noël pour les vacances d’hiver. Puis quinze jours plus tard, on rentrait à nouveau jusqu’à Pâques pour sortir le 1er Juillet pour les vacances d’été. Les parents pouvaient venir voir leur enfant le dimanche, dans un « parloir » et parfois pique-niquer avec lui après la messe dominicale de 10 h 30.
A cette époque il y avait trois sections : les « petits » : 7e – 6e – 5e, les « moyens » : 4e – 3° et les « grands » : 2e à terminales, (qui avaient une cour de récréation à part). S’est ajoutée par la suite une section pour « vocations adultes », des hommes d’âge mûr désirant devenir prêtre.
La vie quotidienne des « petits » et des « moyens » dans les années 1950-1960, rythmée par la cloche :
6 h 25, lever
6 h 45, un quart d’heure de prière à la chapelle, une méditation faite par un des prêtres du séminaire, suivi de la messe quotidienne (en latin, bien sûr !).
Vers 8 h, le petit déjeuner ; puis monter dans les dortoirs faire les lits, (tous les déplacements dans cette grande maison devaient se faire en silence) puis une demi-heure d’étude pour réviser les leçons, après quoi les cours commençaient jusqu’à 11 h 45, avec une pause vers 9 h 30.
A 11 h 45, il y avait un quart d’heure de « lecture spirituelle » faite par le supérieur. C’était souvent un rappel de certains points du règlement et de conduite pratique pour la vie commune ou bien il donnait quelques nouvelles de la vie du monde dont nous étions vraiment retirés. Puis le repas, dont une partie se déroulait en silence pendant lequel un « grand » faisait une lecture. Ceux qui étaient punis passaient une semaine en silence et sans dessert à une table spéciale devant la table des professeurs. Vers 13 h on sortait pour une demi-heure de récréation où des jeux communs étaient organisés ; il fallait courir, bouger, pour se défouler. Ceux qui étaient punis devaient stationner en silence le long du muret vers la porte d’entrée. On appelait cela « les arrêts ».
13 h 30, retour en étude pour une demi-heure de révision. Puis deux heures de cours.
16 h, récréation, goûter, que chacun retrouvait, gardé à son nom dans un placard, dans un préau couvert (chocolat ou autre, préparé par les parents depuis leur dernière visite, le pain étant offert par la maison).
A 16 h 30, il y avait « classe de chant » où le maître de chapelle enseignait les chants liturgiques, la polyphonie et le grégorien. Ensuite, une longue étude surveillée de 2 h permettait de faire les devoirs et d’apprendre les leçons. Pendant ce temps, il était possible d’aller voir son « directeur de conscience » : un prêtre du séminaire, chargé d’accompagner plus particulièrement chaque élève dans sa vie spirituelle et tous les problèmes de vie qu’il était possible de lui confier.
19 h, repas du soir. Coucher vers 21 h pour les petits et les « moyens », plus tardif chez les « grands » qui avaient droit à des études « non surveillées ».
Les repas étaient servis en équipes de roulement, par des plus grands. Assiettes et gobelets étaient en aluminium ainsi que les plats et soupières. La nourriture était souvent alimentée par la récolte des « dons en nature » que le camion du séminaire rapportait chaque semaine après avoir sillonné les routes de Bresse, propice au maraîchage. Quand c’était la saison des choux-fleurs, nous savions qu’il y en aurait pratiquement tous les jours pendant un certain temps !…
Les dortoirs comportaient trente ou quarante lits dont le « sommier » était constitué de lames métalliques légèrement bombées qui s’étendaient sous le poids du corps. Chaque mouvement de chaque dormeur produisait donc un « bruit » caractéristique qui agrémentait les nuits de tous.
Au lever, la toilette se faisait à l’eau froide dans des grands lavabos collectifs qui furent réaménagés en individuels dans les années 60.
Une fois par semaine, les vendredis soir, une séance de douches très artisanales, aménagées au sous-sol à côté de la cave, était gérée par une seule commande qui réglait pour tous le débit et le degré de chaleur. Il y avait donc un temps pour le savonnage et un temps pour le rinçage ! Le prêtre qui manipulait la commande était confronté en permanence à des cris et revendications : « Trop froid ! »… « Trop chaud ! »…. « Ma douche ne coule pas… ! ».
Les jeudis et après les vêpres du dimanche, des promenades étaient organisées sous la conduite d’un des pères du séminaire, ou des matches de foot sur le stade de « Chauchoux » construit par les séminaristes, ou sur les chaumes de Fley. Pour les récréations, « chez les grands » on pouvait jouer au volley et au basket. L’hiver, c’étaient des parties de boules de neige, des glissades et… des séjours à l’infirmerie.
Certains temps forts donnaient du relief et de l’ambiance à cette vie qui, vue d’aujourd’hui, parait plutôt austère : on jouait des pièces de théâtre devant les parents, on apprenait des chansons de Jacques Brel et du père Duval. La fête de Sainte-Cécile était particulièrement honorée. Par ailleurs chaque mois, Henri Thibaudin, un laïc mandaté par l’évêque, faisait une initiation au cinéma et projetait des grands classiques : La strada, Sciusia, Le voleur de bicyclette, Si tous les gars du monde, Marcellino pan y vino, le Napoléon d’Abel Gance.
Une ou deux fois par an, une partie des élèves se transportait dans une paroisse du diocèse pour la messe du dimanche matin et y présenter l’après-midi un spectacle scénique entrecoupé de chants religieux : le « jeu de la vocation ». C’était une manière de présenter notre vie aux diocésains et de « donner quelques idées » à des garçons qui pourraient devenir prêtres. Le repas de midi était pris dans les familles ; c’était pour les séminaristes un « événement » !
Cette vie quotidienne s’est très nettement améliorée autour des années 60 : pose de volets aux dortoirs, aménagement des lavabos et des douches, ajustement total des études sur l’enseignement public, création d’un laboratoire pour la physique-chimie, sorties plus fréquentes dans les familles : Toussaint, Noël, février, Pâques, et même les week-ends, organisation des départs-retours en autocar en direction de Chalon, Montceau, Le Creusot, temps de « liberté » plus grands lors de certaines récréations où l’on pouvait se retrouver par classe dans des lieux qui nous étaient propres. Les dimanches les élèves de quatrième allaient souvent passer la journée à Saint-Martin-du-Tartre où c’était une joie d’animer la messe, de se faire la cuisine et de fumer en douce nos premières cigarettes !
Pendant les grandes vacances, des séjours en camp étaient organisées par certains des pères, par exemple en Haute-Savoie (Le Reposoir), à Chênelette dans le Beaujolais où des vacances communes avaient lieu avec les élèves de l’autre petit séminaire diocésain de Semur-en-Brionnais. Pour les plus grands il y avait, entre autres, des chantiers de restauration d’églises dans la Creuse, des camps itinérants en vélo. Ce qui montre bien que nous n’étions pas si malheureux, pour retrouver si volontiers cette belle ambiance de fraternité même pendant les vacances !
Les supérieurs successifs furent :
M. Rigaud ………………………………1871 à 1901
M. Lyonnois …………………………….1901 à 1910
M. De La Vernette ………………………1910 à 1919
M. Pierre Jannot…………………………1919 à 1923
M. Merle…………………………………1923 à 1948
M. René Geoffroy ……………………….1948 à 1963
M. Jean Morin ………………………….1963 à 1967
M. Michel Bosser……………………….1967 à 1972
M. Patrick de Saint-Germain ……………1972 à 1978
Le premier prêtre formé à Rimont a été l’abbé Antoine Delorme ordonné en 1882.
Depuis, plusieurs centaines de prêtres sont passés par ce petit séminaire dont certains sont devenus évêques : Mgr Drure, qui fut archevêque de Bagdad, Mgr Ducoeur missionnaire au Kouang-Si, Mgr Hermil, qui fut évêque de Viviers, Mgr Boffet qui fut évêque de Montpellier, Mgr Cornet évêque du Puy puis de Meaux, Mgr Guy Bagnard, évêque de Belley-Ars, Mgr André Fort, évêque de Perpignan puis d’Orléans.
Sont passés par Rimont bien des garçons dont beaucoup ne sont pas devenus prêtres ; mais tous ont reçu là une formation humaine, spirituelle, intellectuelle et musicale qui les a lancés sur la route de la vie où ils ont trouvé leur chemin. Par l’apprentissage de la vie en communauté, l’ouverture aux autres, l’initiation à la prière, à la maîtrise de soi, à une certaine ascèse, tous ont conscience d’avoir vécu à Rimont quelque chose d’unique qui a profondément marqué leur vie, même si les mêmes événements ont été vécus très différemment par les uns et par les autres suivant leur situation, leurs motivations et leur ressenti.
Pour les uns, ce temps a été très beau et structurant, exigeant certes, mais pas triste du tout. Pour d’autres, l’éloignement du monde et des familles, la rigueur de la discipline, ont été une véritable épreuve… Dans tous les cas, ce temps passé a Rimont est inoubliable !
Actuellement, la maison de Rimont conserve sa vocation d’origine en étant toujours un lieu de formation personnelle et spirituelle, celui des frères de la Communauté Saint-Jean, qui y sont en résidence depuis 1981.
Jean-François Arnoux
Pour en savoir plus sur Rimont, consulter l’ouvrage du père Lucien Rhéty :
– Rimont, essai historique, réalisé pour une réunion des anciens élèves le 13 juin 1985.
Et Marcel Thevenot en 2005 :
– Rimont, hameau de la commune de Fley « Le séminaire », ses origines.
Une bastonnade évitée de justesse en février 1945 !
En ce mois de février 1945, je suis donc en 5e, et à ce titre je suis affecté au dortoir des petits au 2e étage de la maison (réservé aux 7e, 6e et 5e ). Le professeur surveillant du dortoir se trouve être le père Sauteur… Officiellement, ce dernier est le professeur d’anglais de la maison, mais comme au moment où on lui a confié cette tâche, il ne connaissait pas tellement l’anglais – surtout la prononciation -, du dortoir, nous l’entendions écouter la B.B.C., la radio anglaise, pour se familiariser avec cette langue
Mais il faut dire que, par ailleurs, il était un très bon professeur de gymnastique, que voulez-vous, on ne peut pas être bon en tout !. Il faisait des exercices époustouflants à la barre fixe, par exemple le grand soleil !
La chambre et le bureau du père Sauteur étaient donc mitoyens avec le dortoir des petits. De sa chambre, à travers une lucarne qui avait été aménagée à cet effet, il pouvait surveiller tout le dortoir, c’est-à-dire une quarantaine d’enfants environ. Mais il était aussi secondé dans cette tâche de surveillance par deux grands élèves de philosophie, qui avaient chacun leur lit dans l’un des coins, opposés, du dortoir.
Pour ma part, mon lit personnel se trouve à proximité immédiate de l’un de ces élèves de philosophie chargés de nous surveiller : il s’agit de René Loisy.
En cette soirée de février, le dortoir est complètement éteint, dans le noir, la plupart des jeunes élèves dorment déjà… Mais pas tout à fait tous : pour ma part, en ce qui me concerne, je fais le chahut : cris d’oiseaux divers, paroles de chansons chantées tout fort (alors que je chante faux comme pas un !), bruits divers. Tout d’un coup, dans le noir, je sens quelqu’un qui me tire du lit sans explication, et qui m’étend d’office sous le lit, à même le sol… C’est René Loisy, qui alors se fait reconnaître et me dit à l’oreille: « surtout reste-là, sans bouger, en silence, et attends ». En fait, je n’ai pas à attendre longtemps : quelques secondes passent, et j’entends au dessus de ma tête des coups redoublés donnés sur le lit. C’est le père Sauteur qui est arrivé, toujours dans le noir, avec sa terrible baguette, et qui s’en donne à cœur joie, en tapant sur le lit à tour de bras, croyant que j’étais sous les couvertures. Cela dure plusieurs minutes, et j’entends le père Sauteur me dire : « Haïe, haïe, flûte, mon ami, tu vas peut-être arrêter ton cinéma, maintenant ! ». Et toujours dans le noir, il s’en va et retourne dans sa chambre… Pour sa part, René Loisy se lève sans bruit, il vient vers moi toujours étendu sur le sol, sous le lit, et il me replace dessus, sous les couvertures.
Grâce à lui, j’ai échappé à une terrible bastonnade, qui aurait pu me faire vraiment mal. Merci à René Loisy, un merci que j’ai eu l’occasion de lui dire bien des années après, quand il était devenu curé de Perrecy.
Mayeul Morin de Finfe
Un retour de vacances mouvementé
Nous sommes au mois de décembre 1944, à Rimont. Je suis en 5e, une classe dont le professeur principal est le « Bob » (le père Robert Barbier). Ce premier trimestre de l’année scolaire a été un peu long, puisque commencé vers le 10 septembre (sans vacances de la Toussaint, bien sûr !), mais il touche à sa fin, nous allons pouvoir bientôt revoir nos familles, après plus de 3 mois.
Le 25 décembre, nous célébrons Noël à Rimont, pieusement entre « rimontains », et enfin, selon la coutume, nous partons en vacances le surlendemain de la fête, le 27 décembre. Mes parents à cette époque habitent Paray, et c’est dans cette ville que je vais passer ce temps de vacances.
Durant les dernières journées de vacances, des chutes de neige assez importantes se produisent. Le lundi, jour fixé pour la rentrée, à 6 h.30 du matin, mon père m’emmène au lieu de départ des cars Citroën Paray-Mâcon, pour rejoindre Charolles, et là il y aura la correspondance avec le car de la Régie Charolles-Chalon, qui passe au pied de Rimont. Mais, sur place nous apprenons que, les chutes de neige s’étant un peu aggravées, le car Citroën ne pourra pas partir ce matin, ni les jours suivants.
Donc, retour à la maison. Durant la journée, mes parents se renseignent par téléphone: le car de la Régie, Charolles-Chalon, lui, sera bien en circulation le lendemain. Les parents (qui n’ont pas de voiture précisons-le) organisent donc pour moi un trajet retour : j’irai à Charolles en vélo, pour prendre ce bus.
Le lendemain, mardi, à 6 heures du matin, je pars donc en vélo dans la nuit, accompagné de l’une de mes grandes sœurs, Marie-Chantal, qui à 6 ans de plus que moi.. Nous roulons sur de vieux vélos de fortune, c’est-à-dire sur les jantes (car en cette fin de guerre on ne trouve plus de pneus !) Ma sœur a installé ma valise sur son porte-bagages, et tant bien que mal, sur une chaussée un peu enneigée, nous parcourons les 13 kilomètres, et nous arrivons à l’heure prévue à Charolles, mais là, on nous apprend que, vues de nouvelles chutes de neige pendant la nuit, le car de la Régie pour Chalon ne pourra pas partir. Il est maintenant 9 heures du matin, ma sœur téléphone, et se concerte avec les parents. La solution trouvée, c’est d’attendre le passage à Charolles en fin d’après-midi du train Paray-Cluny-Mâcon, et à Cluny, je pourrai aller loger à la cure de Saint-Marcel, – le curé connait bien ma famille -, et attendre jusqu’au lendemain après-midi, pour prendre le train de Chalon qui passe à Saint-Boil.
Pour le moment, ma sœur et moi, nous sommes donc tous les deux à Charolles. Il est 9 heures 30, et le train pour Cluny ne passe que vers 16 heures. Ma sœur me dit: « on ne va pas rester toute la journée au froid », et elle m’entraine jusqu’à l’hôtel-restaurant de la gare, à Charolles, et nous prenons une chambre pour la journée.
Donc, ce mardi, à 16 heures, en gare de Charolles, ma sœur me met dans le train direction de Macon, et me souhaite bonne route !… Elle repart à Paray en vélo, après avoir confié le mien à l’hôtel. Mon train, qui est ce qu’on appelait à l’époque un « marchandises-voyageurs », manœuvre dans les gares au long du parcours, et n’arrive à Cluny que vers 18 heures. C’était heureusement une ville qui m’était bien connue. Je vais donc, en trainant ma valise, jusqu’à la cure de Saint-Marcel. Là, le curé m’accueille très gentiment. Il m’offre le gite et le couvert jusqu’au lendemain après-midi, puisque le train pour Chalon ne passe à Cluny qu’en fin d’après-midi. Après le souper, pour que je dorme dans une pièce un peu chauffée, il installe un lit pour moi dans sa cuisine.
Ainsi, le mercredi, après cette pause à la cure de Saint-Marcel, je rejoins la gare de Cluny pour y prendre le train direction Chalon, à 17 heures. Là, ô joie, sur le quai, je retrouve Pierre Lapalus, qui venant de Matour, a vécu une aventure un peu identique à la mienne, et qui, comme moi, attend le train pour rentrer à Rimont. Du coup, je me sens davantage en sécurité, car Pierre est en seconde, et à mes yeux c’est un « grand ». Nous voilà donc ensemble dans le train Mâcon-Cluny-Chalon, mais c’est encore un« marchandises-voyageurs », et il n’arrive en gare de Saint-Boil que vers 19 heures 30, Rimont est à 9 km… Pierre me dit: « nous n’allons pas prendre nos valises avec nous, sur cette distance, ce serait trop lourd à porter ». Nous les laissons donc en consigne à la gare, et courageusement, à pied, nous prenons la direction de Rimont, dans la nuit, sur des routes enneigées…
Tant bien que mal, nous arrivons dans la cour de la maison, à Rimont, vers 22 heures. Une fenêtre est encore éclairée, nous nous faisons entendre, et le Supérieur, le père Merle, apparait. En nous voyant, il nous attrape fortement, en nous rappelant: « On est mercredi, la rentrée ce n’est pas aujourd’hui, c’était lundi, avant-hier ! Hé bien, allez vous coucher dans vos dortoirs, sans faire de bruit pour ne pas réveiller les autres ! » … Et voilà, ventre creux, sans aucune boisson chaude, après 9 km. à pied dans le froid, nous allons nous coucher, dans le noir du dortoir !
Le lendemain, c’est donc jeudi, comme de coutume, l’après-midi est consacré à la promenade. Pierre intervient, et nous obtenons l’autorisation de ne pas aller en promenade avec les autres, mais d’aller tous les deux chercher nos valises restées en consigne à Saint-Boil. Comme la route est enneigée, on nous accorde une petite luge pour y placer nos valises, nous pouvons ainsi les tirer sur la neige en revenant.
Ainsi donc, tous les deux, nous partons en tout début d’après-midi, en tirant la luge derrière nous. A nouveau, 9 km. pour aller à la gare de Saint-Boil, 9 km .pour revenir… Et c’est tout juste si nous sommes à l’heure pour le repas du soir. Mais maintenant, le second trimestre de cette année scolaire 1944-1945 peut commencer de façon plus calme !
Notes annexes :
1. Ma mémoire s’étant un peu amoindrie avec l’âge, il est possible que dans ce récit se soient glissées deux ou trois petites inexactitudes. Mais je puis assurer que, globalement, il correspond bien à la réalité de ce qui s’est passé, sans aucune exagération de ma part.
2. Je cite l’intervention du Chanoine Merle… Il est vrai qu’il avait un tempérament bourru, qui, parfois nous faisait peur ! Mais bien des années plus tard, vers les années 1957-60, alors qu’il était devenu à Autun l’aumônier des religieuses du Saint Sacrement, je me trouvais moi aussi à Autun, et j’ai eu l’occasion d’apprécier positivement des qualités qui étaient aussi les siennes.
Mayeul Morin de Finfe