Voulu et annoncé par Jean XXIII comme un printemps de l’Eglise, poursuivi et achevé par Paul VI qui eut la lourde charge d’en exécuter les décisions, le concile Vatican II s’offre à nous comme un bain ecclésial vivant et stimulant. Cela dit, il arrivait à point nommé dans une Eglise en pleine effervescence.
Des pierres d’attente…
Depuis de longues années, le mouvement biblique stimulé par l’encyclique Divino Afflante de Pie XII, parue en 1943, prenait de l’ampleur. A Jérusalem, avec l’Ecole Biblique, à Rome et dans de nombreuses universités, des chercheurs approfondissaient les textes et, par leurs commentaires, les rendaient plus accessibles aux étudiants, séminaristes, religieux et même laïcs. Dans les années 1950 la Bible de Jérusalem paraissait en fascicules.
De même la Bible de Maredsous ou le patient travail du chanoine Osty. A cette époque, au séminaire d’Autun, un jeune exégète, récemment décédé, le père Louis Monloubou, ouvrait la Parole aux futurs prêtres.
Le mouvement liturgique avait trouvé un écho auprès du pape Pie XII. C’est lui qui, en 1953, a fixé les nouvelles dispositions du jeûne eucharistique et restauré la vigile pascale. Lui qui a rendu aux fidèles, dans son entière proclamation le « Notre Père », au cours de la messe. A cette époque apparaissaient des « paraliturgies » … Avec le père Gelineau ou le père Deiss, la musique popularisait, entre autres, le chant des psaumes en français. Une activité intense se faisait jour dans les monastères autour de l’eucharistie et de l’office. Des spécialistes étudiaient les textes anciens, tels les sacramentaires : chez nous le père Décreaux. L’art sacré, stimulé notamment par les dominicains, donnait lieu à des créations. Partout, on sentait la nécessité de valoriser le dimanche ou les funérailles…
Le mouvement œcuménique connaissait déjà une longue histoire marquée par des pionniers : à Lyon, l’abbé Couturier, initiateur avec d’autres de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Dans les années 1940, Mgr Lebrun et le village de Taizé avaient accueilli le jeune pasteur Roger Schutz. Nous connaissons la suite et nous en vivons. Des groupes de foyers mixtes se constituaient. Peu à peu, le regard des catholiques changeait, passant de la méfiance, parfois même de l’hostilité, à une franche estime et à l’écoute. Le pape Jean XXIII, fort de sa longue expérience en Bulgarie et en Turquie, avait voulu le secrétariat pour l’unité des chrétiens confié au cardinal Bea qui tint un rôle majeur au concile. Le même Jean XXIII avait invité à Vatican II des observateurs d’autres confessions chrétiennes. Chez nous, des prêtres et des laïcs s’ouvraient avec passion au dialogue œcuménique. Dans la foulée du concile, nous connaissons tous l’engagement de Mgr Le Bourgeois.
Depuis le XIXe siècle, l’Eglise se préoccupait des questions sociales. L’industrialisation modifiait le paysage, vidant les campagnes au profit des villes et donnant naissance à une classe ouvrière obligée de lutter pied à pied en faveur de ses droits et de la justice sociale. Léon XIII, avec l’encyclique Rerum Novarum parue en 1891 avait ouvert officiellement la voie à une réflexion de l’Eglise qui s’est poursuivie chez ses successeurs, tout récemment encore avec Benoît XVI. Les chrétiens s’étaient largement engagés dans ce domaine. Ils ont continué de le faire avec, pour ainsi dire, l’émergence du tiers et du quart monde. Au moment où s’ouvre le Concile, la décolonisation est en marche, la guerre d’Algérie vient de s’achever. Le marxisme semble triompher en bien des lieux et bien des domaines. Les pères de Vatican II en sont conscients et vont, avec l’aide d’experts éminents, élaborer le fameux schéma XIII : l’Eglise dans le monde de ce temps, voté en 1965.
En Europe – en France, notamment – des initiatives missionnaires se sont multipliées. Le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle ont vu se lever un nombre impressionnant d’hommes et de femmes appelés à quitter leur pays pour porter l’évangile au loin. Le diocèse d’Autun n’a pas échappé à cette épopée. Il a eu ses martyrs, comme saint Just de Bretennières et ses pionniers comme la mère Javouhey. Dans les années 1940 se sont fait jour d’impressionnantes audaces. Nombre d’évêques et de prêtres avaient été bouleversés par la parution en 1943 du fameux livre des abbés Godin et Daniel : « La France, pays de mission ? ». Chez nous la Mission de France trouvait dans le père Augros quittant Autun pour Lisieux un initiateur de grande envergure. Chez nous aussi, nombre de prêtres sont devenus « prêtres ouvriers ». Quant à L’Action Catholique, et d’abord en monde ouvrier, elle a mobilisé et mobilise encore des témoins.
Non, Vatican II n’arrivait pas dans un désert mais sur une terre ensemencée. Ceci explique l’adhésion de tant de ministres ordonnés et de fidèles à son travail de fond sur l’Eglise. Il est impossible de recenser, dans une brève évocation, l’œuvre magistrale de Vatican II, l’engagement de tant d’évêques dont certains furent des figures de proue, le va-et-vient constant de textes écrits, discutés , repris par des experts et finalement soumis au vote de l’assemblée après d’innombrables péripéties. Aujourd’hui, à l’occasion du cinquantenaire, on édite ou réédite de nombreux ouvrages très documentés. Leur lecture n’a pas seulement pour but de nous plonger dans un bain d’histoire mais de nourrir nos engagements présents dans le monde difficile que nous connaissons.
Un travail de titans …
Dès le printemps 1959, après l’annonce faite par Jean XXIII de la convocation d’un concile œcuménique, la curie romaine s’est mise au travail. Il faut le dire, elle a quelque peu traîné les pieds dans une atmosphère de méfiance vis-à-vis de tout changement et de théologiens aujourd’hui reconnus comme les pères Congar ou De Lubac… Le pape veillait. Il a donc appelé d’autres prélats et experts pour compléter les équipes de préparation. Des tensions se sont manifestées. Cela ne doit pas nous étonner : l’Eglise est un corps vivant. Il a fallu du temps pour mettre de l’ordre dans les documents et organiser la grosse « machine » d’un concile rassemblant près de 2.500 évêques. Si le travail préparatoire a exigé, sur une période de trois ans et demi, une grande dépense d’énergie, les quatre sessions conciliaires ainsi que les temps intermédiaires entre sessions ont demandé efforts et confrontations.
Ouvert le 11 octobre 1962 avec Jean XXIII, le concile s’est achevé le 7 décembre 1965 avec Paul VI. L’élaboration des seize textes de Vatican II s’offre à l’Eglise comme une œuvre collective, fruit de l’Esprit Saint. Cinquante ans après, nous sommes frappés de la quasi unanimité qui s’est dégagée des votes. Nous souffrons cependant que, par la suite, une frange se soit séparée du corps de l’Eglise et que Benoît XVI peine autant à reconstruire l’unité.
C’est bien l’Eglise qui est au cœur du débat. Au XIXe siècle, en 1869-1870, Vatican I avait entamé une réflexion sur ce point capital. Mais le concile avait dû se séparer à cause des événements politiques. La prise de Rome par les troupes de Victor-Emmanuel 1er en avait sonné le glas. Vatican I avait eu le temps de voter le texte relatif à l’infaillibilité pontificale et ce texte appelait un complément. La constitution dogmatique Lumen Gentium est le fruit d’un véritable accouchement. Il manifeste avec éclat la nécessité d’une théologie enracinée dans la Sainte Ecriture. Le chapitre 1er s’intitule « le mystère de l’Eglise ». Il se réfère au mystère même de la Trinité et la volonté de salut qui vient de Dieu : « Le mystère de la Sainte Eglise se manifeste dans sa fondation. Le Seigneur Jésus, en effet, inaugura son Eglise en prêchant la Bonne Nouvelle c’est-à-dire la venue du royaume de Dieu promis depuis des siècles dans les Ecritures… Quand Jésus, après avoir souffert la mort en croix pour les hommes, fut ressuscité, il apparut établi comme Seigneur et Christ, comme Prêtre Eternel et il répandit en ses disciples l’Esprit promis par le Père. Dès lors, l’Eglise pourvue des dons de son fondateur… reçoit la mission d’annoncer et d’instaurer en toutes les nations le royaume du Christ… » (n° 5). La constitution présente ensuite le peuple de Dieu « peuple messianique qui a pour chef le Christ » (n° 9) et elle précise : « Le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, s’ils diffèrent essentiellement et non pas seulement en degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre puisque l’un comme l’autre participe, à sa façon, de l’unique sacrifice du Christ. » Un long développement sur l’épiscopat enracine le choix des évêques dans le choix des Douze et insiste sur la sacramentalité de ce collège : « Saint Pierre et les autres apôtres constituent par ordre du Seigneur un seul collège apostolique » (n°22) Il « n’a cependant d’autorité que si on le conçoit comme uni à son chef, le Pontife romain, successeur de Pierre, lequel conserve intégralement sa primauté sur tous, tant pasteurs que fidèles… » (n°22). Aux évêques sont unis les prêtres appelés à partager leur mission : « Les prêtres, bien qu’ils ne possèdent pas la plénitude du sacerdoce et dépendent des évêques dans l’exercice de leur pouvoir, leur sont toutefois unis dans la dignité sacerdotale » et donc « consacrés pour prêcher l’évangile, paître les fidèles et célébrer le culte divin comme vrais prêtres du Nouveau Testament » (n°28). Quant aux diacres, ils reçoivent l’imposition des mains « non en vue du sacerdoce mais du ministère » (n°29). Ajoutons que Vatican II restaure le diaconat comme « degré permanent » et l’ouvre à des hommes mariés. L’Eglise catholique a reçu cet appel avec joie et nos diocèses comptent maintenant de nombreux diacres. C’est le cas en Saône-et-Loire où la formation comporte au préalable une année de recherche et de discernement. La province de Bourgogne assure la formation et les épouses y sont pleinement associées. Vatican II développe un long exposé sur les laïcs, dignes membres du peuple de Dieu. Il les invite à se mettre au service de l’Eglise sous des modes différents et insiste sur leur fonction de prêtres, de prophètes et de rois au cœur des réalités humaines, « dans les conditions ordinaires de la vie courante ». Ministres ordonnés et laïcs sont tous invités à la sainteté. Le concile fait une place de choix aux religieux et religieuses, appelés à suivre les conseils évangéliques dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Il proclame la grandeur de leur consécration. Le concile n’oublie pas que l’Eglise est en marche vers la pleine réalisation du salut. Elle est donc orientée vers la fin des temps, en communion avec les saints du ciel, nos aînés déjà arrivés. La constitution Lumen Gentium s’achève par un admirable chapitre consacré à la Vierge Marie. Il souligne en elle l’action de la grâce, de sa conception immaculée à sa glorification : « Que tous les fidèles adressent avec instance des prières à la Mère de Dieu et la Mère des hommes, elle qui entoura de ses prières les débuts de l’Eglise et qui, maintenant, est exaltée au-dessus de tous les bienheureux et de tous les anges. » (n°69). Paul VI et ses successeurs, par de nombreux textes et de nombreuses initiatives – comme le synode des évêques convoqué régulièrement sur des sujets divers – ont développé la théologie de Vatican II. Jean-Paul II nous a donné une remarquable trilogie : les fidèles laïcs, les prêtres, la vie consacrée.
En écho à la constitution dogmatique De Ecclesia promulguée le 21 novembre 1964, le concile a élaboré un autre texte majeur qui, pour ainsi dire, lui fait pendant : la constitution pastorale « l’Eglise dans le monde de ce temps » promulguée le 7 décembre 1965. Ce dernier texte a donné lieu à un travail intense et de nombreuses polémiques. Il est le fruit d’une longue maturation. Impossible de le détailler. Son avant-propos s’ouvre par une déclaration qui fait date et qui a été mainte fois citée : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur… ». Vatican II n’hésite pas à déclarer que ce texte dépasse les frontières de l’Eglise pour s’adresser aussi à « tous les hommes. A tous il veut exposer comment il envisage la présence et l’action de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. » Ce propos missionnaire part d’un constat concernant la modernité et ses conséquences. Il souligne les mutations, aspirations et interrogations du genre humain. Il développe un long chapitre sur la dignité de la personne humaine et confronte la vision de l’Eglise aux formes diverses de l’athéisme contemporain. Il appelle les communautés quelles qu’elles soient et d’abord les pouvoirs politiques à œuvrer en faveur de l’homme, combattre les inégalités et les facteurs qui s’opposent au plein épanouissement de tous. Il s’attarde sur « quelques problèmes plus urgents… le mariage et la famille, la culture, la vie économico-sociale, la vie politique, la solidarité des peuples et la paix » (n°46). En octobre 1965, alors que le concile débat de ces questions, le pape Paul VI se rend à l’ONU où il prononce un discours qui marque les esprits : « Jamais plus la guerre ! »
En fait, Vatican II vote quatre constitutions. Outre les deux déjà citées sur l’Eglise, il faut mentionner la première en date, la constitution sur la Sainte Liturgie, dont les effets sont immédiatement repérables. La mise en œuvre donne lieu à un travail considérable qui nous permet aujourd’hui de prier et célébrer office et sacrements dans notre propre langue. La concélébration de l’eucharistie fait désormais partie de notre pratique courante, les Rituels ont été mis à jour, de même la prière des heures, la communion des malades, les funérailles…
Le concile élabore et Paul VI promulgue la constitution sur la Révélation divine : « Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler lui-même et de faire connaître le mystère de sa volonté : par le Christ, Verbe fait chair, les hommes ont, dans le Saint Esprit, accès auprès du Père et deviennent participants de la nature divine. » Aux apôtres, le Christ donne mission de prêcher et enseigner cette Bonne Nouvelle. « Cette Tradition qui vient des apôtres se développe dans l’Eglise avec l’assistance du Saint Esprit. » A l’Eglise revient le soin de fixer le canon des Ecritures, de commenter les « Saintes Lettres » et, de façon vivante introduire « les croyants dans tout ce qui est vérité » et « faire résider chez eux en abondance la parole du Christ. » (n°8). « La Tradition sacrée et la Sainte Ecriture possèdent donc d’étroites liaisons et communications entre elles » (n°9), elles « constituent l’unique dépôt sacré de la parole de Dieu qui ait été confié à l’Eglise » (n°10). « La charge d’interpréter authentiquement la parole de Dieu écrite ou transmise a été confiée au seul Magistère vivant de l’Eglise ». Le Magistère est donc au service de la parole. Passant en revue les deux testaments, le concile invite les membres de l’Eglise à s’approprier la Sainte Ecriture. C’est elle, entre autres, qui nourrit la théologie et ouvre les croyants à l’amour de la Sainte Trinité.
Le travail considérable de Vatican II ne s’est pas borné aux quatre constitutions que nous avons évoquées. Il a donné lieu à la publication de neuf décrets et trois déclarations. Après avoir traité de la charge pastorale des évêques, il traite successivement le ministère et la vie des prêtres ainsi que la formation des prêtres. Parlant de la prédication, le concile a cette formule remarquable : « Soit qu’ils prêchent ouvertement pour annoncer aux incroyants le mystère du Christ, soit qu’ils transmettent l’enseignement chrétien ou exposent la doctrine de l’Eglise, soit qu’ils étudient à la lumière du Christ les problèmes de leur temps, dans tous les cas il s’agit pour eux d’enseigner non pas leur propre sagesse mais la parole de Dieu et d’inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté. » (n°4) Le lien à l’évêque et au presbyterium, la qualité de la vie spirituelle, la charité fraternelle doivent caractériser un quotidien vécu dans le célibat et l’offrande de soi. Inutile d’ajouter que les prêtres sont des serviteurs à la suite du Christ Serviteur et que cela justifie à la fois leur distance vis-à-vis des biens matériels et des tentations relatives au pouvoir. Une formation appropriée doit les aider à réaliser cet idéal de vie. Nous savons que, dans les années qui ont suivi Vatican II, la formation du clergé a connu des mises en cause, des évolutions et un intense travail de réflexion. En créant le séminaire de Paray en 1975, alors que le contexte demeurait « chaud », Mgr Le Bourgeois a voulu asseoir les premières années d’études dans des références solides et ancrer la démarche des étudiants dans le Cœur de Jésus.
D’autres décrets importants ont concerné la vie religieuse et l’apostolat des laïcs ainsi que l’activité missionnaire de l’Eglise. Nous l’avons signalé, le pape Jean-Paul II a repris ces questions dans des exhortations consécutives aux synodes qu’il a convoqués. Il a publié le texte sur les fidèles laïcs en 1988 en même temps que l’encyclique : « la mission du Rédempteur ».
Un décret sur les Eglises orientales catholiques et les moyens de communications sociales encadrent le fameux décret sur l’œcuménisme qui prend acte de l’immense travail accompli en ce domaine et ouvre de larges perspectives au dialogue. Le décret part d’un constat : « Une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Evangile à toute créature. » Le concile s’attache à définir l’œcuménisme tel que l’entend l’Eglise catholique. Il invite les fidèles à la conversion du cœur. Il les exhorte à porter un regard plein d’estime sur les frères d’autres confessions, à les connaître en profondeur, prier avec eux et pour eux, travailler avec eux pour le bien des hommes. Il demande que la formation des futurs prêtres s’ouvre à la dimension œcuménique. Il passe en revue les différentes confessions et fait valoir que les éléments qui divergent de la tradition catholique ne sont pas les mêmes en tous les cas. Le frère Roger aimait rappeler, dans une formule concise, que chaque confession avait ses points d’insistance : les catholiques sur l’eucharistie, les réformés sur la parole, les orthodoxes sur l’Esprit Saint… Le concile proclame haut et fort que seul l’Esprit Saint peut réaliser l’unité à laquelle tous doivent œuvrer.
Il déclare en conclusion : « La réconciliation de tous les chrétiens dans une seule et unique Eglise du Christ dépasse les forces et les capacités humaines. C’est pourquoi il met entièrement son espoir dans la prière du Christ pour l’Eglise, dans l’amour du Père à notre égard et dans la puissance du Saint Esprit. » (n°24)
Suivent enfin trois déclarations : l’éducation chrétienne, l’Eglise et les religions non chrétiennes, la liberté religieuse. Les évolutions que nous avons connues depuis cinquante ans, le phénomène galopant de la mondialisation, l’explosion médiatique avec les fantastiques possibilités d’internet donnent à ces trois textes un relief particulier. Notre pastorale des jeunes, les efforts que nous conduisons dans l’Enseignement Catholique, les aumôneries de l’Enseignement Public, la mission étudiante, les mouvements dans leur pluralité, l’écho que nous donnons, grâce aux JMJ prouvent le sérieux de notre engagement. L’émergence de l’islam, l’influence chez nous de communautés de spiritualité extrême-orientale, les rapports d’estime que nous entretenons avec les juifs… colorent de façon substantielle notre souci de présence au monde. Quant à la liberté religieuse reconnue comme un des fondements les plus sacrés des droits de l’homme, le concile y insiste fortement. Le texte voté en 1965 a été accouché dans les douleurs, objet de remises en causes, repris, amendé… Il doit son expression vigoureuse à la volonté et à l’esprit de dialogue des Pères conciliaires et d’experts courageux : « L’Eglise fidèle à la vérité de l’Evangile, suit la voie qu’ont suivie le Christ et les apôtres lorsqu’elle reconnaît le principe de la liberté religieuse comme conforme à la dignité de l’homme et à la révélation divine, et qu’elle encourage une telle liberté. » (n°12) Dans cet esprit et sous l’impulsion de Mgr Rivière, notre diocèse a entamé un dialogue fructueux avec des hommes et des femmes d’horizons divers. Les rencontres de Mazille l’attestent.
Actualité de Vatican II
Oui, le monde a profondément évolué. Y compris, d’abord et peut-être les sociétés occidentales. Nous n’avons pas fini d’explorer les conséquences du choc de 1968 et des années qui ont suivi. Là encore, nous le savons, les événements du mois de mai s’enracinaient dans des mouvements de société anciens. Cela dit, les mentalités ont été durablement marquées. Citons, sans vouloir tout dire : une rupture dans la ou les traditions, l’explosion du « moi, je », la remise en question de la foi, le souci d’engagements tous azimuts, généreux mais sans rapport avec la source évangélique, la multiplication des conduites à risques (drogue, sida…), la contestation des positions de l’Eglise dans le domaine de la sexualité, la baisse de la pratique religieuse et des vocations, des départs de prêtres, religieux, religieuses, laïcs…
Dans le diocèse, malgré d’inévitables bémols, les effets du concile ont permis un véritable renouveau, non seulement dans le domaine liturgique et sacramentel ou en matière de solidarité active, mais sur le plan spirituel. Dès 1975, l’arrivée de communautés nouvelles comme l’Emmanuel, la formation des futurs prêtres avec le séminaire de Paray, l’appel au diaconat permanent, le rajeunissement de la dévotion au Cœur de Jésus, grâce à Mgr Gaidon et ses collaborateurs… joints aux progrès de l’œcuménisme, au travail du conseil presbytéral, aux efforts conjugués de la catéchèse, la formation, les mouvements et services… tout cela a donné du souffle à notre Eglise. Le pontificat de Jean-Paul II a mis l’accent sur l’identité chrétienne et le souci d’enraciner en Christ le service des hommes.
Dans les années qui ont suivi le concile, le diocèse s’est doté non seulement d’un conseil presbytéral mais de relais nombreux dans les doyennés et les zones pour favoriser la concertation. Une réflexion au long cours, associant au maximum les laïcs aboutissait, en 1995, à Taizé, à la proclamation par Mgr Séguy de nos quarante engagements « solidarité ». Dans les années 1990-2000, Mgr Séguy a réorganisé le territoire paroissial, doté d’équipes d’animation pastorale et de conseils pour les affaires économiques. Aujourd’hui, la gestion du diocèse est rationalisée et, malgré les difficultés de la conjoncture, le patrimoine s’adapte peu à peu aux besoins de la mission.
Cela dit, les défis ne manquent pas, d’autant plus qu’ils retentissent dans une Eglise vieillissante et numériquement affaiblie. Le concile avait stimulé l’engagement des fidèles dans la cité. Nous assistons aujourd’hui à un reflux des forces vives vers l’intérieur, entre autres, à cause de besoins de plus en plus évidents. La mondialisation en cours donne au diocèse une physionomie renouvelée grâce à l’arrivée des prêtres et de communautés religieuses d’Afrique et d’Asie. Ce brassage des cultures a l’immense avantage de rendre visible l’universalité de l’Eglise. Il exige une écoute bienveillante et respectueuse, l’accueil des différences, la volonté de servir ensemble. Notre diocèse est affronté à l’impérieuse nécessité de rejoindre les hommes là où ils sont afin de leur annoncer la Bonne Nouvelle. C’est un défi considérable car nous balbutions les mots de la foi dans les langages contemporains et nous peinons à rencontrer les personnes et les groupes sur les nombreux chemins où ils se déplacent. Des efforts considérables sont en cours pour donner corps et vitalité à la catéchèse, avec le souci de s’adresser à tous les âges de l’existence. De nombreuses équipes, aux tonalités diverses, s’efforcent de lier la vie et la foi. Beaucoup se forment à la prière, à l’intelligence de la foi, à l’accompagnement spirituel. Notre Eglise est courageuse. A sa manière et sur de nombreux plans, elle cherche à répondre à l’appel de Benoît XVI en vue d’une nouvelle évangélisation. Nous le savons, accueillir la Parole pour la prononcer nécessite une conversion quotidienne. Seul le Saint Esprit – qui n’est pas en repos depuis le concile ! – peut nous donner la force d’oser dire.
Au cœur des appels, alors que les chrétiens se voient minoritaires et trop souvent incompris, surgit l’ardente obligation de revisiter le Credo, comme nous y invitent le Pape et notre évêque, et de réchauffer notre charité. Nous ne sommes seuls, ni dans un espace médiatique qui se développe très vite et que nous avons du mal à maîtriser, ni sur le sol de notre pays où s’expriment de grandes diversités. Confrontés au mystère pascal, nous implorons l’Esprit de faire de nous un peuple de serviteurs. Cinquante ans après, l’élan de Vatican II nous conduit à devenir ministres d’espérance.
Georges Auduc