Vatican II, dans la constitution dogmatique sur l’Eglise ( Nos 28 et 29 ) a traité du diaconat et donc des diacres : « La grâce sacramentelle leur donne la force nécessaire pour servir le peuple de Dieu dans la « diaconie » de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son presbyterium »… Et de préciser les nombreux domaines où s’exerce concrètement cette diaconie. Le concile ajoutait : « Le diaconat pourra, dans l’avenir, être rétabli en tant que degré propre et permanent de la hiérarchie », à la diligence des conférences épiscopales, avec l’approbation du Souverain Pontife, et il pourra être conféré à des hommes mûrs, même mariés.
Après le concile, en de nombreux pays, les évêques ont choisi de donner corps à cet appel. L’Eglise de France a pris le temps de la réflexion. Elle y a consacré plusieurs de ses assemblées plénières de l’épiscopat. En Saône-et-Loire, Mgr Le Bourgeois a demandé au père Louis Cornet, curé de la basilique de Paray-le-Monial, de travailler à cette proposition. Après son départ comme évêque du Puy en 1978, Mgr Le Bourgeois s’est adressé à son auxiliaire, Mgr Gaidon, supérieur des chapelains de Paray. En 1980, l’évêque d’Autun a estimé que la question avait mûri et méritait un examen plus approfondi. Le 27 mai de cette année, il convoquait le conseil presbytéral afin d’en débattre. Il avait invité Mgr Bardonne, évêque de Châlons-sur-Marne, chargé, à l’époque par les évêques de France d’accompagner la recherche sur le diaconat. A Mgr Bardonne s’étaient joints un diacre d’Orléans, M. Frontini, ainsi que son épouse, venus en témoins. Mgr Gaidon et les prêtres chargés de suivre les candidats au ministère diaconal dans notre diocèse ont apporté leur expérience. Très vite, sous l’impulsion de l’évêque d’Autun, s’est mis en place un service diocésain du diaconat dont la responsabilité a été confiée au père Pierre Bouthière. Un numéro spécial d’Eglise d’Autun a fait le point sur le diaconat, en septembre 1981, au moment de l’ordination du premier diacre permanent de Saône-et-Loire, Monsieur André Dagon. Ont suivi rapidement plusieurs autres ordinations.
Dans la revue du diocèse, Mgr Le Bourgeois précisait sa pensée. Après un bref historique du diaconat, il soulevait deux points d’attention : « Diaconat et célibat ne sont pas liés… Des diacres mariés peuvent être des témoins privilégies de l’Evangile dans leur milieu de vie, leur enracinement familial, professionnel. Bien mieux, ils ne recevront le diaconat qu’en plein accord avec leur épouse, ainsi associée en quelque sorte, à ce ministère de service… » Second point d’attention et non des moindres : des personnes se demandent pourquoi ordonner des diacres si des laïcs bien formés peuvent assurer les tâches qu’on leur confie. Ne risque-t-on pas de démobiliser des personnes engagées sur le terrain, notamment auprès des pauvres et des « peu ou pas croyants » ? L’évêque rappelle qu’à la suite de son Seigneur, l’Eglise s’est toujours donné des signes : « Recevoir le sacrement de l’ordre… c’est recevoir mission d’être un signe de l’humilité, de la constance et du pardon de Dieu, d’être parfois l’instrument privilégié de sa grâce, puisqu’il l’a voulu ainsi, dans un état de dépendance des autres et de service. J’ai bien dit un état. Il ne s’agit plus d’actes isolés mais d’une disposition constante, d’un droit que les autres ont sur vous, sur vos activités, vos loisirs, votre cœur »…
L’aventure diaconale était donc lancée dans le diocèse. Beaucoup de questions surgissaient : comment interpeller des hommes – plus généralement des couples – en vue du diaconat ? Comment les aider à discerner l’appel reçu dans un accompagnement fraternel exigeant ? A cet égard, la formation ignatienne du père Bouthière apporta lumière et paix du cœur. Dans la mesure où des chercheurs devenaient des candidats, il leur fallait, avec l’accord et sous la responsabilité de leur évêque, cheminer en vue d’un appel à l’ordination.
On établit les bases d’une préparation au diaconat étalée sur trois ans, exigeante et centrée à la fois sur le mystère de l’Eglise et les grands axes du ministère. Pour ce parcours, le diacre et son épouse bénéficiaient du soutien d’une équipe d’accompagnement dont le point de vue était entendu. On veillait à ce que le futur diacre ait un enracinement humain et des engagements solides. On veillait aussi à une initiation de qualité à la parole, à la prière, à la liturgie.
Le diaconat devait prendre sa place dans le diocèse : sa juste place. Questions et, parfois, contestations n’ont pas manqué. Les prêtres n’avaient pas l’habitude des diacres. Les laïcs non plus. L’équilibre entre la présence à l’autel et la présence « au seuil » de l’Eglise n’allait pas forcément de soi… Au cours d’une histoire maintenant trentenaire, le diaconat permanent en Saône-et-Loire a cherché ses marques. C’est une belle histoire, saluée aujourd’hui comme une grâce. Les évêques successifs : Mgr Le Bourgeois, Mgr Séguy, Mgr Rivière ont encouragé le diaconat et l’ont aidé à se situer dans l’ensemble de la réalité ecclésiale. Les délégués diocésains : Pierre Bouthière, Louis Bouard et maintenant Bernard Sulpis ont imprimé leur marque, chacun avec ses charismes. Plusieurs diacres sont décédés… Ajoutons que diacres et épouses de diacres ont leurs instances et leurs responsables. Depuis 2009, le cursus de formation est devenu provincial. L’aventure continue, y compris avec des veuves de diacres très insérées dans la pastorale de leur paroisse ou de leur doyenné. Des candidats frappent à la porte…
Cinquante ans après le concile, impossible d’imaginer un diocèse dépourvu de diacres. Ce ministère a de l’avenir, même si le terreau chrétien de notre Saône-et-Loire manque aujourd’hui d’une suffisante fécondité. Les diacres sont, au milieu de nous, le vivant et stimulant rappel des dons que le Saint Esprit ne cesse de faire à l’Eglise et au monde : en témoignent, dans leurs diversité, leurs lettres de mission. Nous sommes une Eglise des commencements.
Georges Auduc