Petite Sœur Magdeleine de Jésus, notre fondatrice, s’est toujours située dans l’ombre du Père de Foucauld qui, fasciné par l’Incarnation, n’aura de cesse dès l’instant de sa conversion, de vouloir imiter Jésus, son Modèle unique, dans sa vie humble et cachée de Nazareth. « Je trouvais en lui, écrira-t-elle, tout l’idéal dont je rêvais: l’Évangile vécu, la pauvreté totale, l’enfouissement au milieu des populations les plus abandonnées, et surtout l’amour dans toute sa plénitude, Jésus Caritas ».
Elle ressentait le même appel à suivre Jésus, mais son état de santé qui s’aggravait avec les années, l’empêcha longtemps d’entrer dans la vie religieuse, jusqu’au jour où une prescription médicale envisagea comme seul remède à ses maux, un climat sec et chaud.
Enfin s’ouvrait pour elle la porte du Sahara sur les pas du Père de Foucauld…
Toutefois, avant de la recevoir dans son diocèse, l’évêque du lieu l’envoya faire un an de noviciat chez les Sœurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique, tout en lui demandant d’écrire des Constitutions, alors qu’elle-même n’avait jamais songé à fonder une Congrégation. « Le Seigneur, dira-t-elle, m’a prise par la main, et aveuglément j’ai suivi ».
C’est ainsi qu’est née la Fraternité en septembre 1939, près d’une population nomade très pauvre, sédentarisée à la périphérie de Touggourt, une oasis saharienne en Algérie… L’intuition de petite sœur Magdeleine était de se laisser accueillir par l’autre, aller vers l’autre « comme des petits, dans une approche humble et fraternelle à l’égard de tous, surtout s’ils sont pauvres et rejetés, et croire qu’un amour d’amitié peut coexister avec des différences de races, de cultures, de religions, de condition sociale ».
La Fraternité est née de la rencontre de petite sœur Magdeleine avec des nomades musulmans devenus ses amis, mais, comme pour le Père de Foucauld, c’est le choix de suivre et d’imiter Jésus qui l’a poussée à ce « vivre avec » de proximité et de partage de vie, pour leur dire l’amour de Jésus, leur dire que nous sommes tous frères et enfants du même Père, et le dire à travers une présence de prière, de travail, d’amitié, de solidarité. Cette expérience vécue à Touggourt par notre fondatrice nous guidera par la suite dans la manière d’aborder chaque peuple, chaque milieu.
Déjà marquée par la vie de Nazareth, la vocation de petite sœur Magdeleine se précise à la lumière de Bethléem: elle est saisie par le mystère de la douceur et de l’humilité de Dieu qui a voulu se faire l’un de nous et passer par l’état de dépendance du tout-petit enfant. Désormais l’enfance spirituelle à la lumière du Petit Jésus de la Crèche marquera notre spiritualité, nous invitant à un chemin de confiance, de petitesse et d’abandon entre les mains du Père.
En 1946, la Fraternité s’ouvre au monde entier en gardant – sans jamais rompre avec aucun milieu – un amour de prédilection pour les minorités oubliées ou peu considérées: les minorités ethniques comme les Gens du Voyage, les Indiens en Amérique du Sud, les Pygmées en Afrique, les Aborigènes en Australie… et les groupes marginalisés comme les victimes de la prostitution ou de la drogue, le monde des détenus, et aujourd’hui les gens de la rue, les réfugiés, les migrants… Les premières expériences en France se feront dans le monde ouvrier en usine ou en atelier, et parmi des gitans.
Cependant, née en terre d’Islam, et au départ exclusivement pour le monde musulman, la Fraternité reste fidèle à cette première orientation en maintenant le quart des insertions en pays ou en milieu d’Islam. Mais où que nous soyons, nous sommes appelées à développer un esprit de confiance et de dialogue autour de nous, et aussi en Église. C’est ainsi que depuis les débuts, l’oecuménisme et le dialogue interreligieux ont été pour nous une priorité.
En 1948, petite soeur Magdeleine, consciente que nous avons beaucoup à recevoir de l’expérience et de la spiritualité des Églises Orientales, demande et obtient des évêques concernés, que les fraternités d’Orient puissent adopter le rite des Églises locales. Aujourd’hui, des petites soeurs, issues de ces rites, partagent le sort de leurs frères chrétiens dans la souffrance et la violence, principalement en Syrie et en Iraq.
Quelles que soient nos insertions, notre fondatrice nous rappellera toujours avec force que c’est un regard contemplatif sur Jésus qui leur donne sens et fécondité. Le Père de Foucauld nous a légué son amour de l’Eucharistie dans laquelle il puisait sa force d’aimer, et son désir d’être sauveur avec Jésus. L’Eucharistie marque donc particulièrement notre prière, et soutient notre vie offerte en l’unissant à l’offrande et à l’intercession du Christ pour la vie du monde. C’est là le cœur de notre mission : « enraciner toujours plus notre vie de Nazareth dans le mystère eucharistique pour qu’il illumine le quotidien de notre existence et nous entraîne à nous donner au Seigneur et aux autres. Notre mission est aussi d’être les témoins de la dimension eucharistique de la vie de ceux qui nous entourent, d’en rassembler tous les aspects pour les porter au Père en intercession, en louange et en action de grâce ».
Actuellement, nous sommes environ 1200, réparties en 66 pays. Trois noviciats viennent d’ouvrir simultanément le mois dernier au Vietnam, en Tanzanie et en France à Aix en Provence (noviciat international).
Après quelques mois provisoires dans un wagon de la RATP, la fraternité de Paray-le Monial a été créée de façon stable en février 1959 dans le quartier de Saulnin pour offrir un cadre de prière et de verdure à quelques-unes de nos soeurs qui venaient s’y ressourcer après plusieurs mois de détention volontaire à tour de rôle, à la Centrale de Rennes. Le Coeur de Jésus, Foyer de Miséricorde, si cher au Père de Foucauld, avait bien sûr inspiré le choix de Paray le Monial. Plusieurs amies de ces petites sœurs, connues en prison, y sont venues par la suite chercher un havre de réconfort avant de reprendre pied dans la société. Pour retrouver l’esprit de la fondation, nous avons décidé en communauté l’an dernier de prier particulièrement pour les détenus un jour par semaine, et dans cette ligne, avec quelques laïcs de Paray, nous nous sommes rattachées à l’Association du Bon Larron.
C’est en 2004 qu’en raison de l’âge et des capacités plus réduites, la fraternité s’est rapprochée des Sanctuaires pour permettre à chaque petite sœur de pouvoir s’y rendre plus facilement. Après de longues années vécues en d’autres continents, notre Nazareth aujourd’hui se vit dans la banalité quotidienne d’une vie ordinaire.
Présence toute simple, ouverte à tous, qui s’appuie sur l’amour de Jésus, mais aussi sur la compréhension et la délicatesse de tous ceux qui nous soutiennent de leur confiance et de leur amitié. Présence de prière qui porte au Seigneur la vie de l’Église et du Monde, ainsi que les nombreuses intentions qui nous sont confiées… Tout au long de l’année, des petites soeurs, venant de France ou d’ailleurs, sont heureuses de pouvoir profiter de notre maison pour un temps de prière ou de repos à Paray le Monial.
C’est toujours une joie de les accueillir et d’élargir nos horizons.
(Eglise d’Autun 2015)