Lourdes, les 24 et 25 mars 2012
Le vendredi 23 mars, Jean-Marc Trontin, de Varennes-St-Sauveur et moi-même, Anne-Marie Goux, prenions la direction de Lourdes, afin de représenter notre doyenné Bresse à la célébration de l’anniversaire de Vatican II. Nous avons rejoint Mgr Rivière, ainsi que le père Guimet, vicaire général et six autres personnes du diocèse.
Nous avons vécu un grand temps fort en Eglise. Les évêques de France étaient sur place, de même que les cardinaux, dont Mgr Etchegaray (90 ans) et Mgr Vingt Trois. Le nonce apostolique était également présent. De très nombreux prêtres participaient également à cette rencontre, ainsi que les laïcs envoyés. Il y avait également le pasteur Claude Bâti, président de la Fédération Protestante de France ainsi que Mgr Emmanuel, représentant de l’Eglise Orthodoxe, soit environ 2.700 personnes.
Le rassemblement a commencé par un temps de prière, bien entendu et ensuite, le pape Benoit XVI nous a transmis un message par vidéo interposée. Voici quelques extraits :
« Le Concile Vatican II a été et demeure un authentique signe de Dieu pour notre temps. Je souhaite que cet anniversaire soit pour vous et pour toute l’Eglise qui est en France l’occasion d’un renouveau spirituel et pastoral. En effet, il nous est donné de pouvoir mieux connaître les textes que les Pères Conciliaires nous ont laissés en héritage et qui n’ont rien perdu de leur valeur, afin de les assimiler et d’en faire produire des fruits pour aujourd’hui. Ce renouveau se situe dans la continuité et prend de multiples formes. »
« Redécouvrir la joie de croire et l’enthousiasme de communiquer la force et la beauté de la foi est un enjeu essentiel de la nouvelle évangélisation à laquelle est conviée toute l’Eglise. Mettez-vous en route sans crainte pour conduire les hommes et les femmes de votre pays vers l’amitié avec le Christ ! »
Dans son introduction, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille et coordonnateur de la rencontre a fait observer que 50 ans, c’est une échéance intéressante. En tant que témoins directs, il ne reste plus aujourd’hui que les évêques émérites de Lille et d’Amiens. Par contre, nombreux sont ceux qui ont vécu cet évènement en tant qu’adulte.
La rencontre était donc basée sur la rétrospective des 50 dernières années en vidéo, avec l’explication des textes conciliaires, l’ouverture du Concile, le pourquoi, le cheminement parfois difficile, surtout au début et les commentaires de Mgr Etchegaray.
Le pape Benoit XVI rappelle aussi que, pour aujourd’hui, la seule route praticable est d’y entrer plus profondément pour mieux prendre le large.
A l’ouverture du Concile, le mot de Jean XXIII : « Je veux ouvrir largement les portes de l’Eglise afin que nous puissions voir ce qui se passe à l’extérieur et que le monde puisse voir ce qui se passe à l’intérieur de l’Eglise. »
Il a été rappelé le synode, avec Jean-Paul II, vingt ans après, pour voir où en était l’Eglise conciliaire.
En alternance à la vidéo, des intervenants ont apporté un éclairage pour aujourd’hui.
Il y eut aussi des témoignages simples, mais souvent très forts, toujours par le biais de la vidéo.
Il s’agit de témoignages de religieux, religieuses, prêtres et nombreux laïcs.
Ce rassemblement a donc été axé sur trois thèmes pour recueillir ce que le Concile Vatican II a apporté :
1) « Le Christ » à partir de Dei Verbum ; intervenant : Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême. Le thème : « Le Christ, lumière du monde »
2) « L’Eglise » à partir de Lumen Gentium ; intervenant : Mgr Eric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire de Paris. Le thème : « L’Eglise, signe de Dieu et annonciatrice de la paix. »
3) « L’homme » à partir de Gaudium et Spes ; interve-nant : le cardinal André Vingt-Trois. Le thème : « L’homme est la route de l’Eglise. »
Quelques mots des intervenants
1) Mgr Dagens avec le thème : « Le Christ, lumière du monde. »
– « Nous tous, peuples de baptisés, sommes invités à nous dire chrétiens dans une société qui n’est plus chrétienne. »
– « Eglise à renouveler en partant du Christ et de ses appels. »
– 50 ans après, appel à vivre le mystère du Christ ressuscité dans ce monde violent, qui n’est plus porteur de promesses et c’est une raison de plus pour être au service du Christ qui n’a pas peur de venir dans nos ténèbres. »
– Dieu se dit dans l’histoire des hommes à travers le Christ présent.
– « Le concile est inscrit dans la complexité de l’histoire avec affrontements.
– « Aujourd’hui, rupture : changements intervenus par rapport à la tradition,
– « Mais aussi continuité : le Concile répond à une autre interprétation à partir de la source. L’Eglise est confrontée à la personne du Christ, source et centre de la révélation.
– « Mise en valeur de la primauté du Christ, mais aussi, mise en valeur de toute la liturgie.
– « La 1re mission de l’Eglise : louer, annoncer, accueillir le mystère de Dieu.
– « Evangile de la pauvreté, de la joie, à vivre pour toute l’Eglise dans le sillage de saint François.
– « Le concile : œuvre théologique, mais aussi christologique. Il a conduit au cœur du mystère du Christ, mais aussi au cœur du mystère de l’homme. Donc, bien tenir ces deux pôles : révélation divine et réalité humaine.
– Cheminer ensemble comme les disciples d’Emmaüs.
– Risque pour l’Eglise de se replier sur son organisation.
– Une question : « Par notre ministère, l’Eglise annonce-t-elle vraiment Jésus Christ ? »
2) Mgr Eric de Moulins-Beaufort avec le thème : « L’Eglise, peuple de Dieu. »
– Avec deux idées fortes :
1 – Qu’est-ce que l’Eglise ?
2 – Quel chantier le Concile désigne-t-il ?
Que mettre à jour ?
– « Accepter le monde tel qu’il est comme champ de sa mission ».
– « Pendant longtemps, l’Eglise a refusé le monde moderne ».
– « Avec Vatican II, il y a un travail de discernement : accepter le monde ne dit pas que le monde est idéal, mais qu’il est possible d’y vivre en chrétiens. C’est aussi reconnaître que les hommes ont les moyens de construire le monde ».
– Mgr de Moulins-Baufort a aussi rappelé la Sacramentalité de l’Eglise, a parlé de l’Eglise comme étant le signe visible de Dieu, un moyen efficace, une Eglise qui regarde dans le temps, dans l’histoire, mais qui se laisse aussi regarder par l’extérieur.
A l’ouverture du Concile, plusieurs questions
1. Primauté et collégialité : rappel de la primauté de l’Eglise de Rome, de l’infaillibilité du pape et reprise de la hiérarchie de l’Eglise depuis sa constitution avec le Christ et les douze apôtres, la succession avec le collège des évêques et tout l’épiscopat « pas seulement sacerdoce ministériel, mais plénitude du sacerdoce du Christ pour ceux qui ont accueilli le message et pour ceux qui ne l’ont pas entendu ».
2. Laïcat et religieux : le laïcat : de tous temps, la part le plus nombreuse de l’Eglise. En 1962, forte impression de l’Action Catholique.
Un laïc agit avant tout en se fondant sur son baptême. Importance donc des laïcs baptisés, confirmés, porteurs de la sainteté du Christ, renouvelés par les sacrements.
Le religieux : Lumen Gentium rappelle que la diversité offre à l’Eglise entière des chemins variés.
3. Œcuménisme et liberté religieuse : Lumen Gentium rappelle que tous les fils de l’Eglise doivent se souvenir que leur condition spéciale doit être rapportée, non à leur mérite, mais par le Christ. « Ce que Dieu nous donne d’être, que nous le soyons pleinement ».
En conclusion : les fruits de Vatican II
– Avoir été choisi par Dieu pour porter la mission de l’Eglise, pour donner de l’Eglise et par elle un signe d’espérance, pour rendre le Christ présent là où nous sommes.
– Etre chrétiens envoyés ensemble.
– Vivre le sacerdoce avec la capacité d’offrir à Dieu ce qui peut lui plaire. Il est commun en tant que baptisés, confirmés, tous engagés dans la construction d’un monde plus juste.
Le Concile aussi pour que l’Eglise affronte le monde nouveau avec foi et espérance.
D’un monde qui pourrait se passer de Dieu, il est formidable de pouvoir témoigner de la fidélité de Dieu.
Le cardinal Vingt -Trois :
« L’homme est la route de l’Eglise »
« Si on veut comprendre l’approche anthropologique, il faut revenir à une Parole de l’Ecriture, le psaume 8 : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui… que tu en prennes souci ? »
Les textes du Concile invitent à parler de l’homme de manière renouvelée, mieux ajustée.
La décision de partir d’une théologie de l’homme « image de Dieu » pour réfléchir à la mission de l’Eglise dans le monde de ce temps fut une décision longuement murie de Vatican II.
Les Pères du Concile, Paul VI, Jean XXIII, plus qu’une méthode, retiennent un mot : ECOUTER :
– La Parole de Dieu dans sa Parole vivante.
– Dans la célébration avec une liturgie renouvelée.
– Ecouter ce que Dieu révèle de son mystère.
« Il faut aussi connaître les attentes et les espoirs du monde de notre temps. Il y a quête de Dieu même si elle a du mal à s’exprimer. N’oublions pas que les esprits des hommes sont ensemencés par l’Esprit de Dieu.
Le dialogue en vérité est la meilleure voix pour éclairer les questions qui se posent en un nouvel âge de l’histoire humaine.
Au cœur des débats sur l’homme se trouve l’affirmation et l’attente de la liberté, signe privilégié de l’image divine en l’homme, liberté qui permet le bien et le mal : des gens sont privés de moyens de s’exprimer mais aussi espérance de s’incarner dans un acte : aimer.
Il faut prendre en compte les courants de pensées d’aujourd’hui : écologie, églises orientales…
Il faut reconnaître la dignité de l’homme.
Le mystère de l’homme ne s’inscrit vraiment que dans le mystère du Christ incarné.
La mission de l’Eglise est d’éclairer le mystère de l’homme en accueillant et en annonçant le mystère du Christ de multiples manières.
Comment être homme de foi, homme de Dieu en une époque radicalement laïque ?
– Ecouter le Christ manifesté dans l’Evangile, exalté dans la gloire, célébré dans les sacrements et présent en tout homme.
– Le secret de chaque vie humaine ne se révèlera que dans l’amour (le face à face ) ».
En conclusion : « L’aspect positif est plus grand et plus vivant que ce qu’il pouvait paraître dans l’agitation de 68 ».
Quelques phrases aussi des autres intervenants
Le pasteur Claude Bati :
« Dès le départ, ouverture confiante qui a marqué les relations jusqu’à ce jour. Dieu nous appelle à l’unité par son fils Jésus.
Ce qui nous paraît banal aujourd’hui était quasi inimaginable il y a cinquante ans.
Le décret sur l’œcuménisme a changé profondément les relations entre les Eglises.
– Ce décret a permis les dialogues officiels avec les chrétiens avec prise en compte des aspirations spirituelles et théologiques du peuple de Dieu.
– Il a permis aussi la prise en compte de la Parole de Dieu source d’interpellation pour toutes les Eglises. Il y eut aussi la traduction œcuménique de la Bible, ce dont il faut s’émerveiller.
Il a parlé aussi de la liberté religieuse avec la prise en compte de la diversité du monde. Aucun pouvoir ne peut contraindre la conscience d’un être humain. Les rencontres inter-religieuses sont une nécessité.
Conclusion : encourager à rendre l’esprit de Vatican II encore plus vivant avec de nouvelles générations à entraîner. Pour cela, trois mots :
1. Mouvement : ne pas rester sur des acquis mais se mettre en route ensemble et poursuivre le chemin. Nouvel élan à trouver.
2. Ouverture : à l’espérance, à laisser l’initiative à Dieu pour porter de beaux fruits.
3. Interrogation : ce n’est pas du domaine privé, mais nous sommes en prise aux interrogations du monde ».
Mgr Emmanuel – Eglise orthodoxe :
Il a lu un message du patriarche de Constantinople, Mgr Bartholomé :
« Jean XXIII a répondu à l’attente des orthodoxes avec la réintroduction du principe de réconciliabilité. Unité et diversité : il s’agit de l’assurance que la mondialisation et le clivage peuvent être dépassés ».
Quelques autres témoignages :
Le père Bolher à Metz : « Il faut rechercher la complémentarité plutôt que ce qui divise. »
« Sachons accueillir et discerner là où nous attend le Seigneur plutôt que de chercher des boucs émissaires ».
Une laïque siégeant au conseil épiscopal : « Au sein du conseil épiscopal, la complémentarité est primordiale. Avec l’évêque, plus de liberté de parole ».
Une laïque de Cambrai : « Servir l’Eglise, c’est travailler avec d’autres à annoncer Jésus christ ».
« On n’aide pas M. le Curé, mais c’est de notre responsabilité de baptisé d’annoncer Jésus Christ ».
Un prêtre du Gers : « Bienfait de savoir que je ne suis pas seul pour faire vivre cette paroisse ».
Une religieuse de Voiron : « Au début de Vatican II, difficultés pour ceux qui n’allaient pas régulièrement à l’église : ils ne s’y retrouvaient plus ».
« C’était une respiration extraordinaire. Importance de l’homme ».
Une infirmière en EPHAD : « Travailler avec les capacités restantes (faire un gâteau, un bouquet…), faire attention aux personnes âgées : cela vient de ma foi. Donner sa place à l’autre : je l’ai appris dans l’Eglise ».
Jean-Marc Trontin et Anne-Marie Goux
délégués du doyenné de Bresse