Eh bien Mesdames et Messieurs, le curé de Digoin raconte des histoires. Et vous avez bien voulu venir amis bourguignons, amis bressans, merci bien sincèrement, de tout cœur, merci.
Quelques histoires d’enfants
– On demande à une petite fille qui était au pied de la croix lorsque notre Seigneur est mort. Elle cherche, mais elle n’arrive pas à dire toutes les femmes qui étaient présentes. On lui souffle la sainte Vierge, sainte Marie-Madeleine, mais elle ne trouve pas. Après réflexion, elle dit : « Oui c’est ça. Il y avait toutes les sages femmes du coin ! ».
– C’est un petit garçon qui pleure, mais qui pleure, devant une porte. Passe un curé, un gros curé. « Qu’est ce que tu as à pleurer mon petit ? »
L’enfant lui dit:
« Je ne peux pas attraper la sonnette ».
« Tu ne peux pas attraper la sonnette ! Attends mon petit. Voilà, voilà».
Le curé prend l’enfant, l’élève jusqu’à la hauteur de la sonnette. L’enfant sonne un bon coup et se laisse reposer à terre. Et une fois à terre, il dit au curé :
« Attention, maintenant il s’agit d’en mettre un coup. Car si jamais la concierge nous attrape, on va passer un mauvais quart d’heure ! »
Des histoires bourguignonnes maintenant
– C’est une histoire d’âne. Autrefois, il y a environ soixante ans de ça, l’âne était considéré comme un instrument de travail très précieux. Et tout le monde ne pouvait avoir un âne. Pas plus que maintenant, peut-être, tout le monde ne peut avoir un tracteur. Et les nouveaux possesseurs d’ânes, s’ils manquaient un petit peu d’intelligence, ils ne causaient plus à tout le monde. Voici ce qui est arrivé à l’un deux, qui passait dans un chemin de vigne, et qui rencontre deux de ses concitoyens qu’il ne salue pas. L’un des deux compères dit à l’autre :
« A lo don ben fier li l’âne
L’autre répond :
« Sa femme est bien encore plus fière que lui ».
L’autre lui dit :
« Ah, pourquoi donc? »
« Des ânes, elle, elle en a deux !»
– C’est à Saint-Sernin que ça c’est passé, mais bien avant que je sois curé.
Un homme tombe malade, on fait venir le médecin, le curé arrive ensuite, puis le notaire. Alors, réflexion d’un voisin : « Si en s’en réchappe !»
Des histoires de curés maintenant
– C’est un curé qui est depuis maintenant longtemps dans sa paroisse et qui a l’habitude d’adresser, à ceux qu’il marie, ce petit discours :
« Voulez-vous être heureux en ménage ? »
Pensez donc. Non seulement les futurs mariés, mais tous les ménages présents écoutent.
« Pour cela il faut : premièrement des concessions, deuxièmement des concessions et troisièmement des concessions…. Et c’est ainsi qu’on arrive à la concession à perpétuité !»
Publication de mariage
– Il y a promesse de mariage… La feuille tombe. Le curé dirige les recherches de ses paroissiens : entre le banc et la chaise.
C’est le père Lempereur. Le père Lempereur est un curé brionnais qui avait beaucoup d’esprit aussi. C’est lui qui recevait un jour la visite d’une paroissienne, probablement une Parisienne. Elle était en vacances. Elle venait se plaindre que son doyen, son curé de vacances à elle, ne voulait pas carillonner pour le baptême de son enfant. Le père Lempereur lui dit :
« Mais voyons Madame, quel âge à votre enfant? »
« Il a deux mois Monsieur le Curé ».
« Ah, madame, a deux mois on ne carillonne pas. Il aurait fallu le faire baptiser avant qu’il ait un mois ».
« Enfin Monsieur le Curé, c’est ridicule. Notre Seigneur a bien été baptisé à trente ans ».
« Oh! mais Madame, rien ne vous indique qu’il ait été carillonné ! ».
– Un jour, le père Lempereur voulait prêcher sur la mode. Et comme tous les curés qui voulaient prêcher sur la mode, il était embarrassé. Alors, voilà comment il s’en est tiré :
« Mesdames, je voudrais vous mettre particulièrement en garde contre les robes qui commencent trop tard et finissent trop tôt !».
Vous savez qu’au début du siècle, on se chamaillait pas mal entre maires et curés ou entre maires et sacristains. Voilà une histoire dont on dit qu’elle s’est passée mais je ne sais pas bien où.
– C’est l’Ernest Lavigne qui est maire du pays et qui prend un arrêté ainsi conçu :
« Attendu que la cloche de l’église est fêlée, attendu que fêlure menace de tomber sur la tête des fidèles, nous, maire de la commune, arrêtons ce qui suis : toute sonnerie de cloche est interdite sur le territoire de la commune.
Deuxième épisode. Le Jean Dadot, le sonneur, ne l’entend pas de cette oreille. Arrive midi, a va sonner l’Angelus. Le maire l’entendant sonner, rapplique. Le dialogue suivant s’établit entre le maire en bas et le sonneur en haut.
« Jean Dadot y t’interdit de souna ».
Le Jean Dadot lui répond :
« Ernet Lavigne y t’emmène au diable ».
« Jean Dadot y te réinterdit de souna ».
« Ernest Lavigne, y t’envoie les tripes du diable avec tout ce qui a dedans ».
Alors, à ce moment là, très dignement, le maire :
« Y va charché mon écharte ».
– C’était il y a de ça un certain temps. Les chanteuses chantaient, à la fin des vêpres d’une grande fête, « Nous n’aimerons que vous Seigneur ». Alors, le sacristain, en éteignant les cierges, passe au milieu de l’autel et dit : « Pas trop vous y fier, Seigneur !».
– Un secrétaire de mairie, qui est anticlérical, mais le maire est catholique, reçoit une circulaire de la préfecture, lui demandant le nombre d’aliénés dans la commune. Le maire ne sait pas ce que veut dire ce mot. Il demande au secrétaire, qui lui répond que ce sont ceux qui vont à la messe. Voici ce que le maire répond au préfet : Monsieur le Préfet, ici, dans la commune tout le monde est aliéné, conseil municipal en tête. Y’a rien que le père Jobard qui dit qu’y est pas, mais faut pas ce fier à lui, vu qu’il est plus ou moins dérangé.
– J’ai rencontré mon ami Jean Toine. Comme je lui demandais des nouvelles de sa santé. Il m’a dit :
« Y va Monsieur mais y’a pas longtemps y’ai été malade, ben malade.
Aaah ?
Ouais.
Qu’est ce donc vous avez eu ?
C’que j’ai eu y’ai venu drôlement. Y’a deux ans, y’a un homme du pays qu’est tombé malade, et y’ai été malade c’ment lui. Y’a fait mau c’ment lui. Y’en un autre, y’a fait pareil. Y’en a cinq comme ça qu’on passé une maladie. J’ai été voir un médecin, m’a d’abord soigné pou la tête. Pour les nerfs k’a l’ai dit. Ces remèdes m’ont ren fait. M’a soigné après pour les rhumatismes mâles. Y savo pas qu’en avait pou un autre espèce.
« Ah ! Jean Toine se sont les douleurs rhumatismales ».
« Ah ben t’es ben. En tout cas, ces remèdes m’ont ren fait non plus. Le dernier coup a m’a soigné pou le ventre. Mais surtout y’a entendu qu’o diso a son infirmière : cet homme-là fait le complexe de la maladie. Y’a pas dit fort mais y ai ben entendu. Y’éto don ça. Y’avo un complexe a voulo pas m’y dire. Moi, monsieur, y lit ben le journal, y’avo souvent vu que dans l’journal y’en parlant d’complexe. Mais y’avo pas compris si c’éto un nom de pays, de machine ou de bête. Y’éto une maladie et y’éto ma maladie. Tout ceux qu’y rencontrait leur demando si y’avo eu un complexe. Personne n’avo eu de complexe, personne ne savo c’qu’c’éto un complexe. Y’es une maladie rare et y’ato ben ma chance qu’elle me tombe juste là d’ssus c’te denrée là. Y’est été voir not’ curé, un jeune, et lui o dit : y’auré pas un pt’iot complexe dès fois. Y’es pas un déshonneur ça. Moi y’en est ben un ».
A m’a répondu : « Ah vous savez Jean Toine, moi, je suis sans complexe ».
« Vous connaissez ben quelqu’un qu’y en eu un complexe. Vous connaissez p’te ben un médecin qui guéris c’te maladie là ».
Alors là entrepris d’m’expliquer que mon complexe y’éto qui n’éto pas malade, qu’y éto pas une maladie . Ben y’me suis mis en colère.
« M’sieur curé, y’ai pas pac’que vous n’en avez point d’complexe qui faut croire que c’te denrée là y rend pas malade. Vous vodro ben vous voir à ma place .
Le médecin m’avo ordonné une purgation à laxatif. Y l’ai pris, mais y’a pas fait parti l’complexe. Y’oso plus en parlé, y’en rigolant. Savez pas besoin d’rire, y’ai pas attendu le médecin. Allez pas dire la maladie du complexe, allez dire le complexe de la maladie. Mais y’ai pareil. Vous savez pas m’sieur c’ment y’en suis guérit ? »
« Ben non Jean Toine, et je voudrais bien le savoir ! »
« Ben y’ai en lisant l’journal, m’sieur, ouais, ouais. Y’éto drôlement arrangé dans l’journal. Y parlant d’une route express que dois aller de Chalon-sur-Saône à Montceau-les-Mines et y’avant ça ajouté après. Y’éto imprimé. Y’ai appris par cœur. Le département de Saône-et-Loire apporte tous ses soins au complexe industriel Chalon, Montceau, Le Creusot. Ooooh ! « complexe industriel ». Mais Jean Toine, qui m’suo dit, du moment que l’complexe y’ai une maladie industrielle, tu pus pas l’avoir toi, du moment qu’ta tout temps été cultivateur. Et maintenant y suo guéri, m’sieur, complètement guéri !».
Maintenant des histoires de poivrots qui sont véridiques
Elles sont réellement arrivées, j’ai été le témoin et même l’acteur… secondaire
– En revenant de permission, pendant la guerre 39/40, on s’embêtait dans ses gares de triage, on s’embêtait tellement que la moindre distraction était la bienvenue. En l’occurrence, c’était un type qui avait bu un coup, un fort coup même. Il était complètement perdu. Encore une fois, les distractions étaient tellement rares qu’on a ri, et j’ai ri aussi. Jusqu’au moment où un type nous dit que c’est tous les jours que ça lui arrive. Alors là, figurez-vous, déformation professionnelle, je me suis mis à lui faire un sermon. Je tombais bien. Mon pauvre ami, une fois par hasard, ça peut arriver. Ça arrive à tout le monde. Mais tous les jours, tu va finir par t’abrutir. D’ailleurs, on voyait qui s’abrutissait dans la drôle de guerre. Alors, savez-vous ce qu’il m’a répondu le gars ? J’étais par derrière lui. Il m’a désigné du pouce. Écoutez le celui là. Il est encore plus saoul que moi !
– Et avec un confrère, dans une rue de Lyon. Il y a 15 ans de cela en novembre 1947. Nous montions à droite, quand en face, sur un trottoir, un gars les bras en croix. Nous avons pensé que ce n’était pas grave. Mais tout de même, s’il était blessé. Nous traversons et nous arrivons au moment même où un gros type sort d’un café. Il se penche vers son copain à terre et lui tient ce discours : « Dis donc vieux, su t’avais cané, c’est ben l’moment. V’là justement deux curés. (Caner est mot de l’argot lyonnais qui veut dire mourir). Le gros type relève un peu la tête, et nous regarde : « Ca vous fait rire vous ». On lui répond : « Notre sourire répond au vôtre. Si ça avait été grave, vous l’auriez pas non plus ». Il y avait un troisième type qui était aussi perdu que ses camarades. Mais seulement, il faisait des efforts de respectabilité. Le gros gars se penche à nouveau vers son camarde : « T’en veut ti ! » (des curés). L’autre lui répond : « Y m’font transpirer ! » Le gros est rentré au café. Vous pensez bien que nous ne nous sommes pas attardés auprès de ces zèbres-là. Mais notre troisième homme, comme nous les quittions, nous a dit, devant son camarade allongé sur le trottoir : « Soyez tranquilles messieurs, nous ne le laisserons pas tomber ! »
Les nefs de l’église de Trambly, rénovées en 1979 à l’initiative du curé de l’époque : le père Antoine Fargeton